Chroniques trantoriennes

12 septembre 2006

Quelques considérations sur l'affaire Getliffe

Depuis cinq mois, le landerneau anti-sectes français vibre au gré du feuilleton Nathalie Getliffe.

Bel exemple d'emballement de la machine médiatico-politico-diplomatique française, dès qu'on prononce le mot magique : secte.

Bel exemple d'effet-tunnel, également, car le problème est ailleurs, en amont, dans la tête d'une mère de famille...

Résumé des épisodes précédents : en 2001, une franco-canadienne, Nathalie Getliffe, accompagnée de ses deux enfants, quitte Vancouver et son ex-mari pour rejoindre la France. Petit détail : une décision de justice interdit ce déplacement des enfants. La femme est par la suite considérée comme ayant enlevé ses enfants et un mandat d'arrêt international est lancé contre elle (jusqu'en 2004). La garde et la tutelle des enfants sont judiciairement octroyées au père, le Canadien Scott Grant.

En 2006, Nathalie Getliffe a refait sa vie en Ardèche, avec ses trois enfants (entre-temps, sa famille s'est agrandie, par l'entremise de son nouveau compagnon).

En l'espace de cinq années, malgré l'acharnement de Scott Grant, malgré quelques décisions de justice supplémentaires intervenues au Canada mais aussi en France, rien n'a bougé d'un poil. Nathalie Getliffe coule donc des jours heureux, à l'ombre de l'inertie du système judiciaire français.

Le TGI de Privas (2004), la Cour d'appel de Nîmes (2004) et la Cour de Cassation (février 2006) l'ont en effet sommée de rendre les enfants. En vain.

«Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possible.
- C'est vrai, dit Nathalie, mais il faut cultiver notre jardin.»

Car évidemment, l'histoire ne s'arrête pas là. Cinq ans après, alors qu'elle bénéficie d'une improbable immunité, qu'elle a mis entre elle et son ex-mari un continent et un océan, voilà notre Franco-Canadienne qui ne trouve rien de mieux à faire que de revenir au Canada.

Mais où au Canada ? Dans un village inuit, au fin fond du Nunavut, par-delà le cercle polaire arctique ? Dans les étendues désertiques du Labrador ? Sur le littoral de Nouvelle-Écosse ?
Non, rien de tout ça. Un endroit encore plus discret : l'Université de Vancouver !

Pourquoi revient-elle au Canada, de façon aussi voyante ? Pour sauver son ex-mari d'une mort atroce ? Pour obéir à un monstrueux chantage ? Pour désamorcer une bombe atomique dont le minuteur est crypté avec son code génétique ? Vous n'y êtes pas. C'est pour quelque chose de beaucoup plus important : soutenir une thèse de doctorat.

Selon le clan Getliffe, la jeune femme est venue signer un protocole d'accord sur les droits de visite avec son ex-mari. Si son ex-mari est le Machiavel que ses opposants décrivent, comment a-t-elle pu tomber dans cet odieux traquenard ? En fait, la soutenance de thèse est bien programmée le 12 avril 2006. Et la doctorante est arrêtée le 10, à sa descente d'avion. Faut-il y voir un complot des procureurs de la Couronne, comme le prétendent les partisans de Nathalie Getliffe ?

Résumons la situation : la jeune femme arrive en pays ennemi, sur les terres d'un ex-mari qui lui livre une guerre larvée par avocats et juges interposés. Et pas pour aller voir en catimini un obscur contact dans les quartiers mal famés de la ville. Non ! Pour aller publiquement faire la fière à l'université de Vancouver (principale université de la province) devant un jury d'universitaires, avec force publications officielles de ladite soutenance. Évidemment, le mari ne devait pas s'y attendre ! Tu penses, il n'a eu qu'à consulter régulièrement le site internet de l'université, à la page des soutenances de thèses...

Certes, rétorquerez-vous, mais cette thèse, peut-être revêtait-elle pour Mme Getliffe une importance capitale. Une question de vie ou de mort... Ou bien la seule soluton pour elle de décrocher un petit CES à la mairie de Privas...

Tu parles : elle enseignait l'anglais et les sciences du langage à l'Université et à l'École normale supérieure de Lyon !

Mais il y a encore plus intelligent. Si si, je vous assure : Nathalie Getliffe arrive à Vancouver enceinte de quatre mois et demi !

Pour les pro-Getliffe, le problème est clair : Scott Grant est un séide de l'Église du Christ International, une secte ! Bigre, le mot est lâché ! Et bien sûr, Mme Getliffe et son entourage jurent leurs grands dieux que la jeune mère est partie en 2001 pour mettre ses enfants à l'abri de l'influence de la secte. C'est évident... Sauf que, comme départ précipité (Nécessité fait loi et tout le tremblement), on a déjà vu mieux : Mme Getliffe a mis un an à se décider. Ça ne devait pas presser tant que ça !

Apparemment, tout cela n'est qu'un détail (un de plus !). Comme l'ont répété à l'envi les médias français (et pas des moindres !), l'Église du Christ est considérée en France comme une secte, alors qu'elle est légale au Canada. Cela signifie que l'Église du Christ est interdite en France. Petite précision, comme ça, en passant : c'est faux...

À en croire les cris d'orfraie des Ardéchois-Coeur fidèle, les méchants, dans l'histoire, ce sont les Canadiens :

1. le père qui commet l'épouvantable crime de vouloir récupérer ses enfants en vertu de plusieurs décisions de justice en France et au Canada;
2. les juges, qui n'ont rien compris au phénomène des sectes; qu'à cela ne tienne, les Français vont leur do
nner des leçons : c'est leur sport national. Les attaques des pro-Getliffe contre la justice canadienne ne s'arrêtent pas là : les juges ont en effet monstrueusement refusé de placer la Franco-Canadienne en liberté conditionnelle.

Soyons un peu raisonnables : au vu de la fuite de Mme Getliffe hors du Canada en 2001 et de l'efficacité subséquente de la justice française à cet égard, faut-il vraiment s'étonner que les juges canadiens lui aient refusé une telle issue (de secours) ?

Qu'à cela ne tienne, la diplomatie française s'en mêle. Et le Quai d'Orsay de sortir ses gros sabots pour demander un geste «humanitaire» (c'est le terme officiel employé) aux Affaires étrangères canadiennes : autrement dit, vos prisons sont des cloaques infâmes et vous y mettez une femme enceinte ! Une Française, qui plus est ! Comment osez-vous ?

Messieurs les donneurs de leçon, bienvenue dans la vraie vie ! Et surtout, retournez-vous un peu sur votre pays, la patrie des droits de l'homme : les femmes enceintes en prison, il y en a treize à la douzaine en France. Alors de grâce, arrêtez de jouer les vierges effarouchées !

Le ministre français de la Justice avoue lui-même que la situation est juridiquement claire. Alors pourquoi friser l'incident diplomatique ?

À moins que... J'ose à peine émettre l'hypothèse tellement c'est énorme... À moins, sussurais-je, que le fait que le Ministre Douste-Blazy soit encarté UDF, comme le compagnon ardéchois de Mme Getliffe... Mais non, je ne peux y croire... Les hommes politiques français sont au-dessus de ça...

Par compassion, je ne m'étendrai pas sur la pitoyable candidature de Mme Getliffe aux élections présidentielles de 2007, annoncée depuis sa prison britanno-colombienne. Ça fait sérieux ! Idem sur son livre à paraître sur l'enfer dans les prisons canadiennes. Ne manquez pas, l'an prochain, son second roman : Mon calvaire dans la fil d'attente du boulanger de Satillieu.

On peut bien agiter des épouvantails. Et il est vrai que :

1. L'Église du Christ n'est certainement pas un endroit où j'irais passer mes vacances, et à part mon pire ennemi, je n'y enverrai jamais personne;
2. Le père des deux enfants me paraît franc comme un âne qui recule.

Mais...

Il me semble que, avant de tirer sur tout ce qui porte l'AOC «secte selon le rapport parlementaire de 1996», il serait peut-être utile d'utiliser ses fonctions cérébrales.

Juste un peu. Cela suffira en l'espèce : l'expression «se jeter bêtement dans la gueule du loup» semble avoir été inventée pour Nathalie Getliffe. Tout cela serait à se tordre de rire si le sort de trois enfants (dont un à naître) n'était en jeu. Bravo Maman ! Et félicitations à tes amis pour avoir si bien rejeter la faute sur ces méchants-méchants Canadiens. Et merci encore à nos politiciens d'être si promptement tombés dans le panneau.

Grand concours Le Dauphiné Libéré :
Le gagnant se verra offrir un séjour de 6 mois à la Prison des Baumettes (comme ça, juste pour voir si l'herbe est plus verte ici).

Question 1 : donner une estimation du QI de Nathalie Getliffe (à 1/2 pt près). Pour vous aider, n'hésitez pas à lire et relire encore les premiers paragraphes du présent article.

Question 2 : À quelle distance de Satillieu (village ardéchois célèbre pour ses notables outrés) se trouve le palais de justice de Vancouver (à 1000 km près) ?

Question subsidiaire : Combien d'années (à six mois près) mettra la MIVILUDES pour publier un article consacré à l'Église du Christ et répondre à l'actualité ?

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1 Comments:

  • Mais qui êtes-vous donc pour avoir aussi bien pigé de quoi on parle !
    Avez-vous fait des petits quelques part (de préférence chez nos amis journalistes ...) ?
    En tout cas laissez-moi vous dire que votre QI est loin d'être celui d'une moule (et je n'en dirai pas autant de tout le monde ...)alors pour une fois que je rencontre quelqu'un qui a compris : chapeau bas ...
    PS : le père "franc comme un âne qui recule" a permis aux enfants de revoir leur mère, même en prison alors que lui n'a pu les voir que quelques heures en 5 ans. C'est donc qu'il n'est sans doute pas celui qu'on veut bien nous décrire ...

    By Anonymous Anonyme, at 9:01 AM  

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