Chroniques trantoriennes

15 octobre 2006

"La Doublure" : Francis Veber fait encore (et toujours) la différence.

Dans mon précédent message, j'ai dressé un portrait peu reluisant d'un certain cinéma français, celui de la facilité et de l'autosatisfaction, en prenant pour boucs émissaires Danièle Thompson et son fils Christopher, respectivement l'auteure-réalisatrice et le co-scénariste de Fauteuils d'orchestre.

Intéressons-nous cette fois à un autre cinéma français, celui qui, contre vents et marées, continue d'afficher une qualité aussi régulière qu'un métronome. Le coupable de cette singulière récurrence n'est autre que Francis Veber. Son dernier film, La doublure, nous donne l'occasion de dire tout le bien que l'on pense du bonhomme.

Là où Danièle Thompson tire sur la corde pour donner à ses films un brin de légèreté, Francis Veber nous offre la plupart du temps des comédies faussement simples et naïves. Ses films sont d'une facture classique mais d'une rigueur impressionnante. Voyez La doublure : en 1 heure 20, montre en main, le film est bouclé, avec ce sens du rythme qui caractérise Veber.

L'homme a beau se considérer comme un auteur qui met en scène (et non comme un réalisateur qui écrit ses scénarios), il faut bien se rendre à l'évidence : à la réalisation, il n'est jamais mieux servi que par lui-même. À l'exception notable de son scénario pour Coup de tête, un des chefs-d'œuvre de Jean-Jacques Annaud. Le style d'écriture de Veber nécessite un traitement simple et efficace. Pas de fioriture de mise en scène mais du rythme, du rythme, du rythme.

Cette abnégation du réalisateur au service du scénario est louable. Toutefois, il faut reconnaître une autre grande force au Veber-metteur en scène : sa direction d'acteurs.

Une anecdote sur le tournage du Placard est assez révélatrice. Jean Rochefort (himself) avait décidé de jouer une scène à sa façon : du Rochefort pur style, solide, passe-partout. Et Veber lui tint tête pour lui faire jouer la scène de manière radicalement différente. Il fallait oser se mettre à dos la légende moustachue. Mais à l'arrivée, le réalisateur nous prouve qu'il avait mille fois raison.

Dans La doublure, la direction d'acteurs est une nouvelle fois remarquable. Gad Elmaleh est plus que crédible en Pignon, ce qui n'était pas gagné d'avance. Dany Boon parvient à plusieurs reprises à ne pas faire du… Dany Boon. Pour sa part, Richard Berry n'a peut-être jamais été meilleur. Quant à Daniel Auteuil, le voir réussir le grand écart, après son rôle de Pignon dans Le placardest particulièrement réjouissant. Même Michel Jonasz est bon (c'est dire !). Et on ne parlera pas de Michel Aumont…

Car Veber ne délaisse jamais les personnages secondaires. Le soin qu'il leur apporte, aussi bien à l'écriture que sur le tournage donne à ses films une cohérence qui fait plaisir à voir et qui devrait filer des complexes à pas mal de ses collègues.

Seul point un peu dérangeant, à mon sens : les décors des derniers films de Veber ressemblent beaucoup trop à des décors. Faut-il y voir un fait-exprès, une façon pour le cinéaste de faire ressortir son expérience du théâtre ? Possible, mais peu probable : rendre voyant cet artifice n'est vraiment pas nécessaire. De plus, Veber a le bon goût de tout mettre au service de son sujet ; je le vois mal faire des concessions sur les décors.

En conclusion, il faut continuer à aller voir les films de Francis Veber et à célébrer l'un des plus grands auteurs du cinéma français.

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1 Comments:

  • à vous lire régulièrement - en cachette - il est une évidence à noter (une fois n'est pas coutume, on peut souligner parfois les évidences) : on n'a rien à ajouter après vous avoir lu ;-)... quand, comme vous, on est versé dans des domaines de compétence bien particulier.

    Continuez !!! ici et ailleurs...

    By Anonymous Anonyme, at 8:23 AM  

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