Tom Cruise, un bouc émissaire pour politiciens pleutres et fainéants
Il y a deux semaines, une partie de la communauté homosexuelle américaine voulait boycotter Hairspray, le remake du film éponyme de John Waters, sous le prétexte du syllogisme suivant :
Mais voilà que cette semaine, c'est reparti ! On met deux thunes dans le bastringue et on rejoue la même cacophonie.
Cette fois-ci, c'est un autre acteur scientologue qui se trouve en première ligne : Tom Cruise est l'interprète principal et le producteur exécutif de Valkyrie, le prochain film de Bryan Singer, dont le tournage vient de commencer en Allemagne.
Le film raconte l'histoire authentique du complot fomenté contre Hitler en juillet 1944 par des officiers supérieurs de la Wehrmacht. L'échec de cet attentat à la bombe rendit inopérante l'opération Walkyrie qui consistait en un coup d'État pour renverser le régime nazi. Les principaux conspirateurs avaient été rapidement arrêtés et exécutés au siège de l'armée de réserve de la Wehrmacht, le Benderblock.
Mais voilà que le ministre allemand de la Défense a fait savoir qu'il ne permettra pas le tournage du film Valkyrie dans le Bendlerblock « si le Colonel Claus von Stauffenberg est interprété par Tom Cruise qui a publiquement déclaré être un membre de la secte de scientologie. (...) D'une manière générale, l'armée allemande porte un intérêt particulier au sérieux et à l'authenticité de la représentation des événements du 20 juillet 1944 et de la personnalité de von Stauffenberg.»
On notera l'incohérence du propos : le fait même pour Tom Cruise d'être scientologue rend l'intégralité du projet incompatible avec la réalité historique. Et cela sans que personne au ministère n'ait lu le scénario ! La preuve : selon son porte-parole, le ministère de la Défense n'aurait pour l'heure reçu aucune demande d'autorisation de tournage (et n'a donc aucune raison d'obtenir copie du script)...
La dernière fois qu'on avait assisté à un tel étalage de bêtise, c'était en 1992, lors du tournage de La liste de Schindler : les autorités polonaises n'avaient pas autorisé Steven Spielberg à tourner librement sur le site du camp de Auschwitz. Comme elles ne pouvaient pas décemment interdire de tourner sur les lieux sous peine de passer pour des crétins antisémites pure race, leur interdiction avait porté sur l'intérieur du camp de concentration, pour des raisons de dignité et de protection d'un site appartenant au patrimoine de l'Humanité, patati patata.
Raison inavouée : Spielberg est juif, il fait un film sur l'Holocauste en Pologne, donc les autorités polonaises vont s'en prendre plein les dents pour leur rôle dans la déportation massive des israélites. Dans ces conditions, autant emmerder Spielberg au maximum, afin de le pousser à aller filmer ailleurs. Il en fallait plus pour décourager le réalisateur, qui trouva une solution pour rouler le gouvernement polonais dans la farine : Spielberg fit construire des bâtiments identiques à ceux du camp du côté extérieur de la clotûre; il filma ensuite le train de déportés sortant du camp pour donner l'impression qu'il y entrait ! À crétin complet, malin et demi.
Bref, 15 ans plus tard, de l'autre côté de la ligne Oder-Neisse, dans les administrations, on est tout aussi con. Voire plus.
Soyons clair : on ne peut pas me taxer de sympathie envers l'Église de scientologie. En effet, j'ai conclu ma thèse de doctorat en droit en déclarant que chaque organisation de scientologie en France « s'inscrit dans une opération de criminalité organisée (et) présente un caractère de dangerosité accrue ». (§ 914, p. 523). Si je n'avais fait que l'écrire, je croulerais encore sous les procès. Mais comme j'ai eu le mauvais goût de le démontrer, les attaques de l'Église de scientologie de Paris se sont faites par la petite porte.
Bref, s'il y a quelqu'un ici qui n'apprécie pas l'Église de scientologie, c'est bien moi. Mais voilà bien longtemps que je crie à qui veut l'entendre (et ça ne fait pas grand monde...) que les méthodes politiquement et médiatiquement prônées pour s'attaquer aux sectes nocives en général (et à l'Église de Scientologie en particulier) sont effroyablement mauvaises.
Et la position du ministère allemand de la Défense en est aujourd'hui un nouvel exemple criant : l'administration fédérale boycotte le film sous prétexte que permettre le tournage dans un des sites du ministère reviendrait à participer à l'opération de propagande pro-scientologie que Tom Cruise ne manquera pas d'orchestrer dans le cadre de ce film.
Mais qu'entend-on par là ? Quelles formes prendrait donc cette campagne de propagande ? Il me semble nécessaire de distinguer ici deux situations très différentes (quoique non exclusives l'une de l'autre):
1) Un influent acteur-producteur se sert du film lui-même pour faire passer un message scientologique
C'est ce qu'a fait le très scientologue John Travolta par deux fois.
Une première fois, de manière plus ou moins discrète, avec Phénomène de Jon Turtletaub (1996) : feu Xavier Pasquini en avait fait à l'époque un excellent compte-rendu dans Charlie-Hebdo.
La seconde fois, ce fut avec la subtilité d'un éléphant dans un magasin de porcelaine : Terre Champ de bataille, réalisé par Roger Christian d'après l'oeuvre de SF de L. Ron Hubbard est une co-production de John Travolta, lequel a mis 10 ans à monter le projet.
Vous avez détesté le livre ? Vous exécrerez le film, navet intergalactique qui se classe haut la main dans le Bottom 10 des plus mauvais films de l'histoire du cinéma. Ce n'est pas une façon de parler : voyez le film et vous m'en direz des nouvelles... D'ailleurs, s'il s'est crashé au box-office, ce n'a pas été pas en raison d'un appel au boycott mais grâce à des critiques et un bouche-à-oreille désastreux.
Tom Cruise, pour sa part, a récemment fait état d'un projet de film basé sur une oeuvre de SF de L. Ron Hubbard. Mais il n'a pour l'heure jamais monté de film faisant l'apologie de la Scientologie.
Et là vous allez rétorquer : « Et Le Dernier Samouraï, alors ?» Eh oui ! Ben non. Ce film a effectivement fait l'objet d'un appel au boycott lors de sa sortie en salles, sous prétexte qu'il faisait l'apologie de la Scientologie. Des "experts" en auraient même convenu. Le texte le plus détaillé sur ce point est sans le moindre doute un article de France-Soir co-écrit par Me Jean-Pierre Jougla, vice-président de l'UNADFI (principale association française d'information sur les sectes).
Je m'empresse de signaler que je connaîs personnellement et apprécie Me Jougla que je considère comme l'un des meilleurs praticiens du droit français sur le phénomène sectaire; je partage d'ailleurs nombre de ses avis en la matière. Mais en ce qui concerne le background scientologique du Dernier Samouraï, je suis en complet désaccord avec lui.
Il n'entre pas dans mon propos de faire ici la critique point par point de ce texte, Aussi me limiterai-je à trois remarques :
2) Un influent acteur-producteur se sert des à-côtés du film afin de faire de la propagande pour la Scientologie
Tom Cruise a effectivement utilisé la campagne de publicité du Dernier Samouraï pour faire l'apologie de se religion. Il a ainsi répété à l'envi que le bouddhisme était « l'ancêtre de la Scientologie». La belle affaire ! C'est écrit dans tous les ouvrages de vulgarisation de scientologie.
Interviewé sur France-Info à l'occasion de la sortie du film en France, j'avais expliqué que Tom Cruise était ce que les scientologues appellent une "célébrité" et qu'à ce titre, son rôle était d'utiliser toutes les opportunités qui s'offraient à lui pour présenter publiquement la Scientologie sous un jour favorable. J'avais ajouté que la campagne de publicité pour la sortie du film était l'une de ces opportunités, mais pas le film lui-même. Cette dernière partie avait été coupée au montage : elle faisait apparemment désordre dans le tableau que la journaliste voulait dépeindre.
Tom Cruise a poursuivi son opération de propagande sur le tournage de La Guerre des Mondes de Spielberg. Le propos du film n'a rien de hubbardien. Sauf à voir dans les méchants extraterrestres de Spielberg les réminiscences des Psychlos, Voltariens et autres Xénu. Mais ce serait alors considérer que Hubbard a plagié H. G Welles, message que les scientologues n'ont pas tellement intérêt à véhiculer. Cela n'a pas empêché Cruise de faire installer sur le tournage une tente dans laquelle des scientologues pratiquaient des massages sur les corps endoloris de membres de l'équipe du film.
Quid de Valkyrie ?
Compte-tenu du CV de Bryan Singer, il est évident qu'il ne va pas signer pour un film sans en avoir par contrat un contrôle quasi-total et qu'il ne va pas laisser son acteur principal instiller des propos hubbardiens dans le scénario.
D'autant plus que Cruise n'est pas l'un quatre producteurs du film, mais l'un des deux producteurs exécutifs. Or, un producteur exécutif n'est pas impliqué dans le processus technique ou créatif du film, mais uniquement dans des aspects généraux de la production tels que les questions commerciales ou juridiques.
Je ne pense tout simplement pas que Valkyrie soit un film qui permette à Cruise de jouer les propagandistes de la scientologie. Le sujet est trop délicat : l'Allemagne nazie, la persécution des Juifs. Que Tom Cruise livre à la cantonnade les vertus anti-nazies de L. Ron Hubbard et il aura à essuyer une volée de bois vert des institutions juives partout dans le monde. Comme campagne de relations publiques, on aura connu mieux...
Bref, Valkyrie présente un risque quasi-nul de voir Tom Cruise déraper. Mais il n'en faut pas plus pour qu'un ministère fédéral allemand appele au boycott du film. Tom Cruise tourne trois ou quatre films par an. Pourquoi ne vouer aux gémonies que ce film et pas les autres ?
Tout simplement parce que Valkyrie concerne l'Allemagne. Or, depuis 12 ans, il s'agit du pays d'Europe le plus farouchement opposé à l'Église de Scientologie. Le gouvernement fédéral a placé l'organisation de L. Ron Hubbard sous la surveillance de l'Office de protection de la Constitution, sorte de FBI mâtiné de US Secret Service. Personnellement, je ne vois là rien de scandaleux. Les églises de scientologie sont suivis par les services de renseignement dans d'autres pays d'Europe, à commencer par la France.
En revanche, certains gouvernements fédérés ont choisi de marquer au fer rouge les scientologues : ainsi, dans le Land de Bavière, il leur est interdit d'entrer dans la fonction publique s'ils n'abjurent pas leur foi. Et ça, c'est vraiment n'importe quoi !
Aujourd'hui, l'administration fédérale de la Défense s'en prend à un acteur qui fait son travail sous le seul prétexte qu'il est scientologue ! Mieux encore : la classe politique dans son ensemble soutient le ministre !
Excusez-moi, mais j'ai dû rater un épisode :
1- L'Église de scientologie est-elle interdite par la loi en Allemagne ? Ben, non.
2- L'apologie de la Scientologie est-elle incriminée en Allemagne ? Euh... non.
3- Tom Cruise pourrait parler de la Scientologie dans les médias ? Wouah ! Big deal ! Ça s'appelle la liberté d'expression.
Messieurs et Mesdames les politiciens allemands, vous voulez nous montrer que vous êtes des gens formidables, engagées dans un combat de tous les instants pour le respect de la démocratie ? Eh bien, mettez vos culottes et faites voter une loi qui interdise l'Église de Scientologie (et l'apologie de la scientologie) sur le territoire allemand. Si vous n'en êtes pas capables, alors que le sujet fait quasiment l'unanimité, c'est que vous êtes de jolis pleutres voulant donner aux électeurs l'impression de mériter leur vote. Ne jouez donc pas les vierges effarouchées, poussant des cris d'orfraie au son de "Scientologie".
Vous n'aimez pas l'organisation de L. Ron Hubbard ? Comme je vous comprends ! Mais en vous y prenant de cette façon, vous donnez à l'Église de Scientologie une balle de set. En stigmatisant ainsi un scientologue qui ne fait qu'exercer une liberté fondamentale reconnue par toute démocratie qui se respecte, l'administration allemande pourrait bien se prendre un recours devant la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme et obtenir la condamnation de l'Allemagne pour discrimination religieuse.
Et quand bien même une telle procédure ne serait pas diligentée, c'est un message similaire que l'Église de scientologie peut d'ores et déjà répandre publiquement... et légitimement. Elle aurait bien tort de s'en priver.
J'ai coutume de dire qu'il faut sérieusement s'inquiéter lorsque l'Église de scientologie a raison. En Allemagne, aujourd'hui, il est plus que temps de réagir.
Note : Une réaction nettement plus intelligente aurait consisté, pour le gouvernement allemand, à encaisser l'argent versé par la production du film pour le tournage au Bendlerblock et à l'investir dans des opérations de renseignement sur la Scientologie. À commencer par le tournage du film lui-même ! Quelle prodigieuse opportunité pour les services de renseignement que celle de surveiller l'équipe de tournage afin d'établir la présence d'un staff de scientologues puis, le cas échéant, de les observer à l'oeuvre dans un environnement hostile.
Mais bon, faut pas rêver...
- le rôle tenu par Divine (l'égérie travestie de Waters) est ici repris par John Travolta, lequel est scientologue;
- la scientologie est une religion homophobe;
- donc Travolta est homophobe.
Mais voilà que cette semaine, c'est reparti ! On met deux thunes dans le bastringue et on rejoue la même cacophonie.
Cette fois-ci, c'est un autre acteur scientologue qui se trouve en première ligne : Tom Cruise est l'interprète principal et le producteur exécutif de Valkyrie, le prochain film de Bryan Singer, dont le tournage vient de commencer en Allemagne.
Le film raconte l'histoire authentique du complot fomenté contre Hitler en juillet 1944 par des officiers supérieurs de la Wehrmacht. L'échec de cet attentat à la bombe rendit inopérante l'opération Walkyrie qui consistait en un coup d'État pour renverser le régime nazi. Les principaux conspirateurs avaient été rapidement arrêtés et exécutés au siège de l'armée de réserve de la Wehrmacht, le Benderblock.
Mais voilà que le ministre allemand de la Défense a fait savoir qu'il ne permettra pas le tournage du film Valkyrie dans le Bendlerblock « si le Colonel Claus von Stauffenberg est interprété par Tom Cruise qui a publiquement déclaré être un membre de la secte de scientologie. (...) D'une manière générale, l'armée allemande porte un intérêt particulier au sérieux et à l'authenticité de la représentation des événements du 20 juillet 1944 et de la personnalité de von Stauffenberg.»
On notera l'incohérence du propos : le fait même pour Tom Cruise d'être scientologue rend l'intégralité du projet incompatible avec la réalité historique. Et cela sans que personne au ministère n'ait lu le scénario ! La preuve : selon son porte-parole, le ministère de la Défense n'aurait pour l'heure reçu aucune demande d'autorisation de tournage (et n'a donc aucune raison d'obtenir copie du script)...
La dernière fois qu'on avait assisté à un tel étalage de bêtise, c'était en 1992, lors du tournage de La liste de Schindler : les autorités polonaises n'avaient pas autorisé Steven Spielberg à tourner librement sur le site du camp de Auschwitz. Comme elles ne pouvaient pas décemment interdire de tourner sur les lieux sous peine de passer pour des crétins antisémites pure race, leur interdiction avait porté sur l'intérieur du camp de concentration, pour des raisons de dignité et de protection d'un site appartenant au patrimoine de l'Humanité, patati patata.
Raison inavouée : Spielberg est juif, il fait un film sur l'Holocauste en Pologne, donc les autorités polonaises vont s'en prendre plein les dents pour leur rôle dans la déportation massive des israélites. Dans ces conditions, autant emmerder Spielberg au maximum, afin de le pousser à aller filmer ailleurs. Il en fallait plus pour décourager le réalisateur, qui trouva une solution pour rouler le gouvernement polonais dans la farine : Spielberg fit construire des bâtiments identiques à ceux du camp du côté extérieur de la clotûre; il filma ensuite le train de déportés sortant du camp pour donner l'impression qu'il y entrait ! À crétin complet, malin et demi.
Bref, 15 ans plus tard, de l'autre côté de la ligne Oder-Neisse, dans les administrations, on est tout aussi con. Voire plus.
Soyons clair : on ne peut pas me taxer de sympathie envers l'Église de scientologie. En effet, j'ai conclu ma thèse de doctorat en droit en déclarant que chaque organisation de scientologie en France « s'inscrit dans une opération de criminalité organisée (et) présente un caractère de dangerosité accrue ». (§ 914, p. 523). Si je n'avais fait que l'écrire, je croulerais encore sous les procès. Mais comme j'ai eu le mauvais goût de le démontrer, les attaques de l'Église de scientologie de Paris se sont faites par la petite porte.
Bref, s'il y a quelqu'un ici qui n'apprécie pas l'Église de scientologie, c'est bien moi. Mais voilà bien longtemps que je crie à qui veut l'entendre (et ça ne fait pas grand monde...) que les méthodes politiquement et médiatiquement prônées pour s'attaquer aux sectes nocives en général (et à l'Église de Scientologie en particulier) sont effroyablement mauvaises.
Et la position du ministère allemand de la Défense en est aujourd'hui un nouvel exemple criant : l'administration fédérale boycotte le film sous prétexte que permettre le tournage dans un des sites du ministère reviendrait à participer à l'opération de propagande pro-scientologie que Tom Cruise ne manquera pas d'orchestrer dans le cadre de ce film.
Mais qu'entend-on par là ? Quelles formes prendrait donc cette campagne de propagande ? Il me semble nécessaire de distinguer ici deux situations très différentes (quoique non exclusives l'une de l'autre):
1) Un influent acteur-producteur se sert du film lui-même pour faire passer un message scientologique
C'est ce qu'a fait le très scientologue John Travolta par deux fois.
Une première fois, de manière plus ou moins discrète, avec Phénomène de Jon Turtletaub (1996) : feu Xavier Pasquini en avait fait à l'époque un excellent compte-rendu dans Charlie-Hebdo.
La seconde fois, ce fut avec la subtilité d'un éléphant dans un magasin de porcelaine : Terre Champ de bataille, réalisé par Roger Christian d'après l'oeuvre de SF de L. Ron Hubbard est une co-production de John Travolta, lequel a mis 10 ans à monter le projet.
Vous avez détesté le livre ? Vous exécrerez le film, navet intergalactique qui se classe haut la main dans le Bottom 10 des plus mauvais films de l'histoire du cinéma. Ce n'est pas une façon de parler : voyez le film et vous m'en direz des nouvelles... D'ailleurs, s'il s'est crashé au box-office, ce n'a pas été pas en raison d'un appel au boycott mais grâce à des critiques et un bouche-à-oreille désastreux.
Tom Cruise, pour sa part, a récemment fait état d'un projet de film basé sur une oeuvre de SF de L. Ron Hubbard. Mais il n'a pour l'heure jamais monté de film faisant l'apologie de la Scientologie.
Et là vous allez rétorquer : « Et Le Dernier Samouraï, alors ?» Eh oui ! Ben non. Ce film a effectivement fait l'objet d'un appel au boycott lors de sa sortie en salles, sous prétexte qu'il faisait l'apologie de la Scientologie. Des "experts" en auraient même convenu. Le texte le plus détaillé sur ce point est sans le moindre doute un article de France-Soir co-écrit par Me Jean-Pierre Jougla, vice-président de l'UNADFI (principale association française d'information sur les sectes).
Je m'empresse de signaler que je connaîs personnellement et apprécie Me Jougla que je considère comme l'un des meilleurs praticiens du droit français sur le phénomène sectaire; je partage d'ailleurs nombre de ses avis en la matière. Mais en ce qui concerne le background scientologique du Dernier Samouraï, je suis en complet désaccord avec lui.
Il n'entre pas dans mon propos de faire ici la critique point par point de ce texte, Aussi me limiterai-je à trois remarques :
- les arguments avancés par Me Jougla pourraient être transposés intégralement à toute religion autre que la Scientologie. Par ailleurs, nombre des points qu'il soulève s'expliquent par une étude rudimentaire des arts martiaux japonais et des techniques d'écriture dramatique;
- Le Dernier Samouraï est un film co-écrit, co-produit et réalisé par Edward Zwick, qui a un CV suffisamment étoffé pour ne pas avoir à subir les diktats de son acteur principal;
- Tom Cruise n'est pas co-scénariste du Dernier Samouraï. Quant à sa casquette de producteur sur ce film, elle était considérablement moins influente qu'on a bien voulu le dire. Primo, Cruise n'est pas producteur du film à titre personnel. Secundo, Cruise/Wagner, la société de Tom Cruise n'est que l'une des 4 maisons de production engagées dans la création du film. Et aucune des 3 autres n'a de lien notoire avec la Scientologie. Voilà de quoi empêcher que Cruise ne saupoudrât le film de concepts scientologiques.
2) Un influent acteur-producteur se sert des à-côtés du film afin de faire de la propagande pour la Scientologie
Tom Cruise a effectivement utilisé la campagne de publicité du Dernier Samouraï pour faire l'apologie de se religion. Il a ainsi répété à l'envi que le bouddhisme était « l'ancêtre de la Scientologie». La belle affaire ! C'est écrit dans tous les ouvrages de vulgarisation de scientologie.
Interviewé sur France-Info à l'occasion de la sortie du film en France, j'avais expliqué que Tom Cruise était ce que les scientologues appellent une "célébrité" et qu'à ce titre, son rôle était d'utiliser toutes les opportunités qui s'offraient à lui pour présenter publiquement la Scientologie sous un jour favorable. J'avais ajouté que la campagne de publicité pour la sortie du film était l'une de ces opportunités, mais pas le film lui-même. Cette dernière partie avait été coupée au montage : elle faisait apparemment désordre dans le tableau que la journaliste voulait dépeindre.
Tom Cruise a poursuivi son opération de propagande sur le tournage de La Guerre des Mondes de Spielberg. Le propos du film n'a rien de hubbardien. Sauf à voir dans les méchants extraterrestres de Spielberg les réminiscences des Psychlos, Voltariens et autres Xénu. Mais ce serait alors considérer que Hubbard a plagié H. G Welles, message que les scientologues n'ont pas tellement intérêt à véhiculer. Cela n'a pas empêché Cruise de faire installer sur le tournage une tente dans laquelle des scientologues pratiquaient des massages sur les corps endoloris de membres de l'équipe du film.
Quid de Valkyrie ?
- Tom Cruise prépare-t-il ici un film scientologique ? Y aura-t-il un message hubbardien subliminal ?
Compte-tenu du CV de Bryan Singer, il est évident qu'il ne va pas signer pour un film sans en avoir par contrat un contrôle quasi-total et qu'il ne va pas laisser son acteur principal instiller des propos hubbardiens dans le scénario.
D'autant plus que Cruise n'est pas l'un quatre producteurs du film, mais l'un des deux producteurs exécutifs. Or, un producteur exécutif n'est pas impliqué dans le processus technique ou créatif du film, mais uniquement dans des aspects généraux de la production tels que les questions commerciales ou juridiques.
- Tom Cruise va-t-il se servir de la production et de la sortie de Valkyrie pour en remettre une louche sur les bienfaits de la Scientologie ?
Je ne pense tout simplement pas que Valkyrie soit un film qui permette à Cruise de jouer les propagandistes de la scientologie. Le sujet est trop délicat : l'Allemagne nazie, la persécution des Juifs. Que Tom Cruise livre à la cantonnade les vertus anti-nazies de L. Ron Hubbard et il aura à essuyer une volée de bois vert des institutions juives partout dans le monde. Comme campagne de relations publiques, on aura connu mieux...
Bref, Valkyrie présente un risque quasi-nul de voir Tom Cruise déraper. Mais il n'en faut pas plus pour qu'un ministère fédéral allemand appele au boycott du film. Tom Cruise tourne trois ou quatre films par an. Pourquoi ne vouer aux gémonies que ce film et pas les autres ?
Tout simplement parce que Valkyrie concerne l'Allemagne. Or, depuis 12 ans, il s'agit du pays d'Europe le plus farouchement opposé à l'Église de Scientologie. Le gouvernement fédéral a placé l'organisation de L. Ron Hubbard sous la surveillance de l'Office de protection de la Constitution, sorte de FBI mâtiné de US Secret Service. Personnellement, je ne vois là rien de scandaleux. Les églises de scientologie sont suivis par les services de renseignement dans d'autres pays d'Europe, à commencer par la France.
En revanche, certains gouvernements fédérés ont choisi de marquer au fer rouge les scientologues : ainsi, dans le Land de Bavière, il leur est interdit d'entrer dans la fonction publique s'ils n'abjurent pas leur foi. Et ça, c'est vraiment n'importe quoi !
Aujourd'hui, l'administration fédérale de la Défense s'en prend à un acteur qui fait son travail sous le seul prétexte qu'il est scientologue ! Mieux encore : la classe politique dans son ensemble soutient le ministre !
Excusez-moi, mais j'ai dû rater un épisode :
1- L'Église de scientologie est-elle interdite par la loi en Allemagne ? Ben, non.
2- L'apologie de la Scientologie est-elle incriminée en Allemagne ? Euh... non.
3- Tom Cruise pourrait parler de la Scientologie dans les médias ? Wouah ! Big deal ! Ça s'appelle la liberté d'expression.
Messieurs et Mesdames les politiciens allemands, vous voulez nous montrer que vous êtes des gens formidables, engagées dans un combat de tous les instants pour le respect de la démocratie ? Eh bien, mettez vos culottes et faites voter une loi qui interdise l'Église de Scientologie (et l'apologie de la scientologie) sur le territoire allemand. Si vous n'en êtes pas capables, alors que le sujet fait quasiment l'unanimité, c'est que vous êtes de jolis pleutres voulant donner aux électeurs l'impression de mériter leur vote. Ne jouez donc pas les vierges effarouchées, poussant des cris d'orfraie au son de "Scientologie".
Vous n'aimez pas l'organisation de L. Ron Hubbard ? Comme je vous comprends ! Mais en vous y prenant de cette façon, vous donnez à l'Église de Scientologie une balle de set. En stigmatisant ainsi un scientologue qui ne fait qu'exercer une liberté fondamentale reconnue par toute démocratie qui se respecte, l'administration allemande pourrait bien se prendre un recours devant la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme et obtenir la condamnation de l'Allemagne pour discrimination religieuse.
Et quand bien même une telle procédure ne serait pas diligentée, c'est un message similaire que l'Église de scientologie peut d'ores et déjà répandre publiquement... et légitimement. Elle aurait bien tort de s'en priver.
J'ai coutume de dire qu'il faut sérieusement s'inquiéter lorsque l'Église de scientologie a raison. En Allemagne, aujourd'hui, il est plus que temps de réagir.
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Note : Une réaction nettement plus intelligente aurait consisté, pour le gouvernement allemand, à encaisser l'argent versé par la production du film pour le tournage au Bendlerblock et à l'investir dans des opérations de renseignement sur la Scientologie. À commencer par le tournage du film lui-même ! Quelle prodigieuse opportunité pour les services de renseignement que celle de surveiller l'équipe de tournage afin d'établir la présence d'un staff de scientologues puis, le cas échéant, de les observer à l'oeuvre dans un environnement hostile.
Mais bon, faut pas rêver...
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