Chroniques trantoriennes

10 janvier 2007

Un beau titre pour un grand film

Dans la série Découvrons le cinéma québécois à dose homéopathique, je suis encore tombé récemment sur une pépite. La Turbulence des fluides de Manon Briand (2002) s'avère en effet un film intimiste magnifique, subtilement teinté de fantastique.

Synopsis : une sismologue canadienne vivant au Japon est envoyée en mission de recherche dans sa ville natale, Baie-Comeau, sur le littoral québécois. En effet, depuis quelques jours, dans la baie, la marée s'est arrêtée. L'enquête de la scientifique débute sur les plages de Baie-Comeau, puis la conduit au contact des habitants. De fait, elle tombe bientôt en amour avec un pilote de Canadair. Les deux histoires vont bientôt se trouver irresistiblement mêlées. La sismologue distante et rationnelle va ainsi vivre un voyage intérieur troublant et décisif.

Manon Briand nous prouve ici superbement que le Québec au cinéma ne se limite pas aux rues de Montréal. Mais elle démontre aussi comment une histoire banale (un coup de foudre amoureux) peut prendre un relief saisissant pour peu que l'on sache y mêler une once de paranormal. Avec une apparente simplicité, l'auteure-réalisatrice crée une atmosphère lancinante mais jamais ennuyeuse, propre au surgissement du fantastique. Car le film ne joue sur aucun des effets spectaclaires du genre. Au contraire, on assiste à une montée irrépressible du mystère, subtilement dissimulée entre les portraits tendres et comiques des habitants et les investigations de la scientifique. Manon Briand est ainsi parvenue à construire un récit équilibré, à la fantaisie bien maîtrisée.

L'évolution du personnage principal, son lâcher-prise sur le plan scientifique puis émotionnel, son face-à-face avec la mort, tout concourt à faire du film un charmant envoûtement. Même lorsque survient le retournement final et que l'on se croit noyé dans un malencontreux mélo, l'auteure nous tire la tête de l'eau et nous émerveille en un tournemain : on se souviendra longtemps de cette ultime ligne de dialogue qui boucle magnifiquement le cycle du drame passé.

La Turbulence des fluides affiche ainsi un déterminisme qui rappelle étrangement celui de Simple mortel, le chef d'oeuvre de Pierre Jolivet et LE film de science-fiction français.

Difficile d'en dire plus sans dévoiler le mystère de Baie-Comeau. J'en terminerai donc là, en précisant que La Turbulence des fluides est l'un des plus beaux films écrits et réalisés par une femme[1] qu'il m'ait été donné de voir. D'où mon regret que les auteures-réalisatrices n'aient pas davantage d'espace pour s'exprimer.[2]
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[1] Notez que je ne dis pas film de femme, expression qui ne veut rien dire.

[2] Pour faire bonne mesure et ne pas paraître trop démago, je précise « les auteures-réalisatrices qui ont quelque chose à dire ». Vive donc les Coline Serreau, Jane Campion, Agnès Jaoui, Christine Pascal,.... En revanche, les réalisations de Carole Laure, Catherine Breillat et autres Danièle Thompson, merci bien...

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