Tabitha's Place : les députés tombent de l'arbre
On croyait avoir tout dit sur les commissions parlementaires consacrées aux sectes. La compétence de leurs membres, l'à-propos de leurs conclusions, la profonde démarche réflexive qui les caractérise... Il ne manquait plus que Gérard Miller et tout ce petit monde pouvait passer à On a tout essayé, émission de télé que le monde entier nous envie.
Mais apparemment vexés que l'on ne parle plus assez d'eux dans la presse, nos chers députés de la commission d'enquête sur les sectes et l'enfance ont tenté une sortie sur le terrain. Dans le cadre des « pouvoirs d'enquête sur pièce et sur place du rapporteur » (on est prié de ne pas pouffer de rire), voilà notre petit monde propulsé dans l'inconnu : la vie réelle. Le carré d'as de la commission (président, vice-président, secrétaire et rapporteur ; que le dernier ferme la porte) est donc aller rendre une petite visite de courtoisie à la communauté de Tabitha's Place, à Sus-Navarrenx, près de Pau (Pyrénées atlantiques).
La descente de députés a été relatée par le quotidien Le Monde, qui reprend in extenso une dépêche de l'AFP (tiens, c'est bizarre, je croyais cette détestable pratique l'apanage de la vilaine-vilaine-vilaine presse gratuite).
Officiellement, nos trois mousquetaires (qui étaient quatre, comme chacun sait) se rendaient sur place pour enquêter sur 14 enfants non scolarisés, vivant dans la très recluse communauté apostolique. Le moins que l'on puisse dire, c'est que si l'on a pas encore touché le fond, on s'en approche de manière asymptotique.
Je cite l'article :
La vache, ça fout les jetons ! Parce que, partout en France, tous les enfants savent parfaitement lire ! C'est bien connu, l'échec scolaire, au pays des droits de l'homme, ça n'existe pas.
Quant au manque de contact avec les enfants de l'extérieur, l'absence d'internet, du cinéma, de la télévision, les députés sont-ils allés visiter les écoles privées musulmanes et juives intégristes en plein Paris ? Ils auraient de quoi faire des bonds de cabri !
Mais le plus drôle (enfin, si l'on prend le parti d'en rire) concerne les questions «hors programme scolaire » que nos très branchés députés ont posé aux enfants. Et là, stupéfaction.
Ils ne connaissent pas Zidane ! Le crime de lèse-majesté française suprême. Ils ne savent pas taper dans un ballon ni donner un coup de tête ! La décadence est à nos portes, Msieu-Dames !
Je sens que je vais encore me faire des copains mais bon, je crois pouvoir dire qu'il y a des centaines de millions d'enfants dans le monde qui ne connaissent pas Zizou. Imaginez le drame. La faim, les guerres, les épidémies, c'est bien peu de choses comparé à cette situation dont les médias ne parlent pas assez. Vite, envoyez vos dons à l'association Zidane sans frontières. Grâce à cet argent, nous enverrons des cartons remplis de fanions du Real de Madrid, de posters et de photos dédicacées de l'idole déchue. Pour que les enfants du monde qui ont faim, froid et peur trouvent du réconfort dans la contemplation de notre icône franco-algér... euh franco-française.
Quant aux Beatles, je pense qu'on peut trouver environ 10 millions de gamins bien de chez nous qui ne les connaissent pas. Allo, les députés ?... Oui, les Beatles, ça n'existe plus depuis trente ans. Comment ? ... Ah non, les phonographes, on n'en trouve plus dans les magasins aujourd'hui. Vous dites ?... Non, les disques ça s'appelle des CD... Oui, c'est plus petit et ça brille...
Mais ce qui me désespère le plus, c'est que ces enfants ne connaissent « aucun chanteur actuel ». Les pauvres ! Imaginez plutôt : ils ignorent jusqu'au concept de Vincent Delerme, Benjamin Biolay, Mickey 3D et de la Star Ac' ! Et ils n'ont jamais entendu de rap de leur vie ! Ces enfants sont la lie de l'humanité.
Le D'Artagnan de la commission a assuré que celle-ci ferait des propositions pour que « les pouvoirs publics puissent libérer ces enfants de l'enfermement psychologique ». Ben oui, là, c'est urgent...
Et notre gascon de service d'ajouter que scolariser les enfants à domicile, c'est légal et que l'on n'a pas constaté de maltraitance physique sur les enfants, qui sont à peu près en bonne santé.
Bref : la communauté de Tabitha's place est dans la légalité mais elle est super-dangereuse.
Merci donc à nos chers députés, pour avoir fait passer ce message dont vont pouvoir se repaître les sectes : la commisson n'a pas de grain à moudre mais elle nous sort quand même sa farine anti-sectes.
Après Dumas, convoquons Rostand (eh ! c'est mon blog, je convoque qui je veux). Sur Tabitha's Place :
(et tant pis pour les douze pieds)
Tout d'abord, on nous dit que les enfants ne sont pas vaccinés, mais bon c'est pas grave parce qu'ils sont en bonne santé. Et pi surtout c'est pas grave parce que la non-vaccination, c'est illégal.
Hein ? Ah ben oui, c'est vrai dis donc ! On l'avait pas remarqué celle-là ! Ben non, les députés non plus d'ailleurs. Ils cherchent la bébête juridique mais celle-là, qui se voit autant que Gérard Miller dans un colloque de psychiatres, ils ne la relèvent même pas !
Mais surtout, le plus grave c'est que les députés se déclarent émus et secoués par leur visite. Autrement dit, ils ont découvert Tabitha's Place ! HéééééééééééééééééHoooooooooooo ! On se réveille ! La communauté Tabitha's Place de Sus-Navarrenx est connue depuis dix ans. Elle a défrayé la chronique judiciaire à plusieurs reprises.
En 2002, la Cour d'appel de Pau a condamné à 300 € d'amende et six mois de prison avec sursis 19 membres de la secte pour refus de scolarisation et de vaccination, notamment.
Par conséquent, si, au lieu de soigner leur image médiatique, les trois mousquetaires avaient activé leur relais dans l'appareil politique et judiciaire (le président de la commisson est un ancien juge d'instruction qui a traité l'affaire de la Scientologie à Lyon), ce n'est pas des VRP de la lutte anti-sectes en charentaises qu'on aurait envoyé à Sus, mais la police judiciaire. Une nouvelle condamnation pour défaut de vaccination, et on pourrait faire tomber le sursis.
Rappellons quand même qu'en 2001, la cour d'assises d'appel des Hautes-Pyrénées a condamné à 12 ans de réclusion criminelle un couple d'adeptes de la communauté pour avoir laissé mourir leur enfant âgé d'un an et demi, en acord avec les préceptes de la secte qui refuse la médecine des hommes. Deux responsables du groupe avaient également été mis en examen pour non-assistance à personne en danger.
Depuis ce drame survenu en 1997, le juge des enfants de Pau a ordonné à plusieurs reprises des mesures d'assistance éducative pour la cinquantaine d'enfants vivant dans la communauté. Et je passe sur les non-représentations d'enfant, et les gamins retenus au sein du groupe malgré des décisions judiciaires.
Bref, on le voit une organisation apostolique tout ce qu'il y a de plus sympathique !
Il y a peut-être autre chose à faire que d'envoyer une délégation de Men in Grey de l'Assemblée nationale et une cohorte de journalistes dans la gadoue, juste pour dire au peuple françois : dormez braves gens, les députés veillent.
On va me répondre : Ah oui, mais bon, si on doit passer par la justice pour régler le problèmes des sectes, on ne s'en sort plus. Par la voie politico-médiatique, ça se passe tellement mieux.
Quant à la loi du 12 juin 2001, cette panacée législative que les Belges nous envient (au point qu'ils se sont fait la même, c'est pour dire...), ben tiens, étrangement, personne n'en parle pour Tabitha's Place. Normal. Une fois de plus, elle est inapplicable ! Ah ben c'est ballot.
Ah oui. Un dernier mot à destination de la MIVILUDES : il va falloir ouvrir un nouveau dossier. Sur l'étiquette, vous écrivez : T-A-B-I-T-H-A-apostrophe-S - plus loin - P-L-A-C-E.
Ensuite vous mettez la dépêche AFP dedans et vous rangez le dossier sous l'étagère. Oui, celle-là, la poussièreuse.
Mais apparemment vexés que l'on ne parle plus assez d'eux dans la presse, nos chers députés de la commission d'enquête sur les sectes et l'enfance ont tenté une sortie sur le terrain. Dans le cadre des « pouvoirs d'enquête sur pièce et sur place du rapporteur » (on est prié de ne pas pouffer de rire), voilà notre petit monde propulsé dans l'inconnu : la vie réelle. Le carré d'as de la commission (président, vice-président, secrétaire et rapporteur ; que le dernier ferme la porte) est donc aller rendre une petite visite de courtoisie à la communauté de Tabitha's Place, à Sus-Navarrenx, près de Pau (Pyrénées atlantiques).
La descente de députés a été relatée par le quotidien Le Monde, qui reprend in extenso une dépêche de l'AFP (tiens, c'est bizarre, je croyais cette détestable pratique l'apanage de la vilaine-vilaine-vilaine presse gratuite).
Officiellement, nos trois mousquetaires (qui étaient quatre, comme chacun sait) se rendaient sur place pour enquêter sur 14 enfants non scolarisés, vivant dans la très recluse communauté apostolique. Le moins que l'on puisse dire, c'est que si l'on a pas encore touché le fond, on s'en approche de manière asymptotique.
Je cite l'article :
[Les députés] disent avoir constaté que les enfants savaient lire mais qu'ils ne restituaient pas convenablement le sens de ce qu'ils avaient lu. Ils ne sont pas vaccinés, n'ont pas de contacts avec les enfants extérieurs à la communauté, ignorent internet, le cinéma, la télévision et ne sortent qu'occasionnellement pour accompagner leurs parents quand ils vendent sur les marchés les produits du jardin, selon la même source.
La vache, ça fout les jetons ! Parce que, partout en France, tous les enfants savent parfaitement lire ! C'est bien connu, l'échec scolaire, au pays des droits de l'homme, ça n'existe pas.
Quant au manque de contact avec les enfants de l'extérieur, l'absence d'internet, du cinéma, de la télévision, les députés sont-ils allés visiter les écoles privées musulmanes et juives intégristes en plein Paris ? Ils auraient de quoi faire des bonds de cabri !
Mais le plus drôle (enfin, si l'on prend le parti d'en rire) concerne les questions «hors programme scolaire » que nos très branchés députés ont posé aux enfants. Et là, stupéfaction.
Ils ne connaissent ni Zidane, ni les Beatles, ni aucun chanteur actuel.
Ils ne connaissent pas Zidane ! Le crime de lèse-majesté française suprême. Ils ne savent pas taper dans un ballon ni donner un coup de tête ! La décadence est à nos portes, Msieu-Dames !
Je sens que je vais encore me faire des copains mais bon, je crois pouvoir dire qu'il y a des centaines de millions d'enfants dans le monde qui ne connaissent pas Zizou. Imaginez le drame. La faim, les guerres, les épidémies, c'est bien peu de choses comparé à cette situation dont les médias ne parlent pas assez. Vite, envoyez vos dons à l'association Zidane sans frontières. Grâce à cet argent, nous enverrons des cartons remplis de fanions du Real de Madrid, de posters et de photos dédicacées de l'idole déchue. Pour que les enfants du monde qui ont faim, froid et peur trouvent du réconfort dans la contemplation de notre icône franco-algér... euh franco-française.
Quant aux Beatles, je pense qu'on peut trouver environ 10 millions de gamins bien de chez nous qui ne les connaissent pas. Allo, les députés ?... Oui, les Beatles, ça n'existe plus depuis trente ans. Comment ? ... Ah non, les phonographes, on n'en trouve plus dans les magasins aujourd'hui. Vous dites ?... Non, les disques ça s'appelle des CD... Oui, c'est plus petit et ça brille...
Mais ce qui me désespère le plus, c'est que ces enfants ne connaissent « aucun chanteur actuel ». Les pauvres ! Imaginez plutôt : ils ignorent jusqu'au concept de Vincent Delerme, Benjamin Biolay, Mickey 3D et de la Star Ac' ! Et ils n'ont jamais entendu de rap de leur vie ! Ces enfants sont la lie de l'humanité.
Le D'Artagnan de la commission a assuré que celle-ci ferait des propositions pour que « les pouvoirs publics puissent libérer ces enfants de l'enfermement psychologique ». Ben oui, là, c'est urgent...
Et notre gascon de service d'ajouter que scolariser les enfants à domicile, c'est légal et que l'on n'a pas constaté de maltraitance physique sur les enfants, qui sont à peu près en bonne santé.
Bref : la communauté de Tabitha's place est dans la légalité mais elle est super-dangereuse.
Merci donc à nos chers députés, pour avoir fait passer ce message dont vont pouvoir se repaître les sectes : la commisson n'a pas de grain à moudre mais elle nous sort quand même sa farine anti-sectes.
Après Dumas, convoquons Rostand (eh ! c'est mon blog, je convoque qui je veux). Sur Tabitha's Place :
Ah ! non ! c'est un peu court, vieux hommes !
On pouvait dire... Nom de Dieu !... bien des choses en somme...
(et tant pis pour les douze pieds)
Tout d'abord, on nous dit que les enfants ne sont pas vaccinés, mais bon c'est pas grave parce qu'ils sont en bonne santé. Et pi surtout c'est pas grave parce que la non-vaccination, c'est illégal.
Hein ? Ah ben oui, c'est vrai dis donc ! On l'avait pas remarqué celle-là ! Ben non, les députés non plus d'ailleurs. Ils cherchent la bébête juridique mais celle-là, qui se voit autant que Gérard Miller dans un colloque de psychiatres, ils ne la relèvent même pas !
Mais surtout, le plus grave c'est que les députés se déclarent émus et secoués par leur visite. Autrement dit, ils ont découvert Tabitha's Place ! HéééééééééééééééééHoooooooooooo ! On se réveille ! La communauté Tabitha's Place de Sus-Navarrenx est connue depuis dix ans. Elle a défrayé la chronique judiciaire à plusieurs reprises.
En 2002, la Cour d'appel de Pau a condamné à 300 € d'amende et six mois de prison avec sursis 19 membres de la secte pour refus de scolarisation et de vaccination, notamment.
Par conséquent, si, au lieu de soigner leur image médiatique, les trois mousquetaires avaient activé leur relais dans l'appareil politique et judiciaire (le président de la commisson est un ancien juge d'instruction qui a traité l'affaire de la Scientologie à Lyon), ce n'est pas des VRP de la lutte anti-sectes en charentaises qu'on aurait envoyé à Sus, mais la police judiciaire. Une nouvelle condamnation pour défaut de vaccination, et on pourrait faire tomber le sursis.
Rappellons quand même qu'en 2001, la cour d'assises d'appel des Hautes-Pyrénées a condamné à 12 ans de réclusion criminelle un couple d'adeptes de la communauté pour avoir laissé mourir leur enfant âgé d'un an et demi, en acord avec les préceptes de la secte qui refuse la médecine des hommes. Deux responsables du groupe avaient également été mis en examen pour non-assistance à personne en danger.
Depuis ce drame survenu en 1997, le juge des enfants de Pau a ordonné à plusieurs reprises des mesures d'assistance éducative pour la cinquantaine d'enfants vivant dans la communauté. Et je passe sur les non-représentations d'enfant, et les gamins retenus au sein du groupe malgré des décisions judiciaires.
Bref, on le voit une organisation apostolique tout ce qu'il y a de plus sympathique !
Il y a peut-être autre chose à faire que d'envoyer une délégation de Men in Grey de l'Assemblée nationale et une cohorte de journalistes dans la gadoue, juste pour dire au peuple françois : dormez braves gens, les députés veillent.
On va me répondre : Ah oui, mais bon, si on doit passer par la justice pour régler le problèmes des sectes, on ne s'en sort plus. Par la voie politico-médiatique, ça se passe tellement mieux.
Quant à la loi du 12 juin 2001, cette panacée législative que les Belges nous envient (au point qu'ils se sont fait la même, c'est pour dire...), ben tiens, étrangement, personne n'en parle pour Tabitha's Place. Normal. Une fois de plus, elle est inapplicable ! Ah ben c'est ballot.
Ah oui. Un dernier mot à destination de la MIVILUDES : il va falloir ouvrir un nouveau dossier. Sur l'étiquette, vous écrivez : T-A-B-I-T-H-A-apostrophe-S - plus loin - P-L-A-C-E.
Ensuite vous mettez la dépêche AFP dedans et vous rangez le dossier sous l'étagère. Oui, celle-là, la poussièreuse.
26 Comments:
Le côté paillete et fanfare médiatique que tu épingle est on ne peut plus juste.
Cependant à la lecture du rapport de la comission d'enquete les enseignements qu'ils en tirent me semblent plus interessant notamment sur le fait que l'éducation nationale tolère une situation de fait qui est en contradiction avec les textes applicables en la matière.
By Anonyme, at 10:47 PM
Hello,
J'ai beaucoup apprécié votre texte. Mais il y a juste une chose qui me chiffonne: vous parlez d' "illégalité", et notamment d'une condamnation pour refus de scolarisation et de vaccination. Très bien. Mais un peu plus bas vous parlez de "régler le problème des sectes". Je trouve cette formulation étrange. Problème de "sectes" ou de scolarisation et de soins? Vous devriez vous décider...
By Anonyme, at 7:29 AM
Réponse à XMD :
Merci de ton commentaire qui apporte une information tout à fait pertinente. Le rapport Fénech n'est en effet pas tendre avec l'Éducation nationale. J'ajouterai seulement trois choses.
1 - Au moment de la rédaction de ce billet, le rapport n'était pas encore publié.
2 - Ce n'est pas, selon moi, le problème scolaire qui est le plus grave chez Tabitha's place. Le rapport a bien raison de souligner que l'Éducation nationale a lâchement baissé les bras dans cette affaire (alors que la loi était avec elle). Mais les services de la santé publique aussi. Et entre un gamin qui ne sait pas qui est Zidane et un gamin susceptible de contracter la poliomyélite ou la tuberculose (et qui peut donc la refiler à d'autres au sein de sa communuté autarcique), les niveaux de priorité me semblent aisés à déterminer.
3 - Ce billet avait surtout pour but de dénoncer ce côté "paillettes et fanfare médiatique". Compte tenu des antécédents judiciaires au sein de cette communauté, il y avait à mon sens pour les parlementaires des façons plus efficaces (car plus discrètes) de faire avancer les choses. Mais surtout, en déboulant comme ils l'ont fait avec leurs gros sabots, ils ont donné du grain à moudre aux pro-sectes. Et je suis certain que tu es aussi désolé que moi de l'exploitation qu'en ont fait nos amis sociologues des NMR. Mais c'est un fait que les politiques et les hauts-fonctionnaires doivent prendre en considération : au moindre pas de travers (même s'il est fait dans une bonne intention), on se fait tomber dessus par la grosse machine rhétorico-réductrice des apologistes.
Traiter du phénomène sectaire s'avère ainsi extrêmement difficile et on ne peut pas se permettre de faire n'importe quoi n'importe comment lorsque l'on appartient à une institution républicaine. Mais ton commentaire a cette vertu de souligner que ce rapport est effectivement digne d'intérêt. Bien qu'imparfait, il s'avère bien meilleur que les précédents. Même Sébastien Fath le reconnaît (http://blogdesebastienfath.hautetfort.com/archive/2006/12/29/sectes-et-enfance-regard-sur-le-rapport-parlementaire.html). C'est dire...
By daneel, at 9:57 AM
Réponse à Anonyme :
Merci pour votre commentaire. Ça fait toujours plaisir de savoir qu'on est lu... et apprécié.
Concernant votre remarque, je comprends tout à fait votre étonnement. En fait, si vous relisez l'article, lorsque je parle de régler le problème des sectes, je place cette expression dans la bouche d'une personne imaginaire qui ne serait pas de mon avis...
Mais sur le fond, je suis bien d'accord avec vous : envisager de régler le problème des sectes, ça n'a pas de sens. On se fiche de savoir si tel groupement spirituel est ou non une secte. La seule distinction à faire est entre les groupements spirituels qui respectent la loi et ceux qui la bafouent. Point.
By daneel, at 10:07 AM
Tout à fait d'accord,
Le seul problème pour moi c'est justement de faire une "distinction" entre les groupes sprituels qui "bafouent la loi" et ceux qui ne la "bafouent pas". Car en disant ainsi on donne à penser que le fait de "bafouer la loi" appartient à une "catégorie" bien définie, que l'on nomme aujourd'hui vulgairement "secte", et dont les membres auraient justement pour spécificité et pour objet quasi unique de "bafouer la loi". Or, bafouer la loi, vous serez d'accord avec moi, n'est le propre ni des unes, ni des autres, ni des "sectes", ni des "églises", ni des "religions minoritaires", ni des "religions historiques". Disons que c'est une potentialité qui touche l'ensemble du phénomène religieux. Religieux et non-religieux cela va de soi, car il me semble qu'il est aussi absurde de limiter l'illégalité à une forme d'organisation et d'expression du sentiment religieux en particulier(en l'occurence la "secte", quel que soit le sens que l'on donne à ce mot) que de la circonscrire à la seule sphère religieuse et sprirituelle par opposition aux activités qui n'ont rien à voir avec un quelconque rapport à des dimensions transcendantes. Autrement dit, lorsque vous affirmez: "la seule distinction à faire est entre les groupes spirituels qui bafouent la loi et ceux qui la respectent", on a l'impression qu'il existe des groupes qui feraient quasi profession de bafouer la loi et qui, justement du fait de cette constante supposée dans le délit, pourraient être rangés dans une "catérogie" qui ferait opposition à une autre "catégorie, celle de ceux qui "respectent la loi", quasi aussi mécaniquement, pourrait-on croire, que les autres la bafouent! En un mot, c'est toute la question de la pertinence et de la nécessité de faire des "catégories" dans le domaine de la sociologie des religions, catégories placées sous l'égide, comment dire, de l' "éthique", de la "morale", ou du respect du droit, qui doit être posée avant toutes choses (c'est comme quand on parle d'une opposition entre "pro" et "anti" "sectes", comme s'il y avait d'un côté des gens en faveur du laisser-faire-n'importe-quoi, et de l'autre des gens pour le respect du droit). Merci.
By Anonyme, at 11:02 AM
J'ai cru un moment que notre désaccord provenait d'une utilisation inadéquate de ma part de l'expression groupes qui bafouent la loi qu'il aurait fallu remplacer par groupes qui violent la loi. Mais le malentendu s'avère plus profond.
On n'a effectivement pas à faire de distinction entre secte d'une part et religion d'autre part, ni entre les groupes délinquants spirituels et les autres groupes délinquants. C'est une évidence.
Il est tout ausi évident qu'on ne peut pas limiter l'illégalité à une forme d'organisation et d'expression du sentiment religieux en particulier.
Mais ce qui me gêne dans votre commentaire, c'est que vous sembler nier le déterminisme des mouvements sectaires. S'ils agissent dans l'illégalité au nom de leur dogme, on ne peut considérer leurs agissements répréhensibles comme des actes isolés, des accidents de parcours... Il y a une dynamique du mouvement qui conduit les adeptes à violer la loi des hommes lorsqu'elle s'oppose à la loi de Dieu ou du gourou. Cela ne veut pas dire qu'ils cherchent systématiquement à violer la loi des hommes, mais que, lorsque les deux lois s'opposent, les adeptes ignorent résolument la loi temporelle au profit de la loi transcendantale (on peut dire alors qu'ils bafouent la loi).
Mais je pense que notre désaccord vient aussi de notre définition respective de la secte. Dans ma thèse de doctorat, je donnais de la secte nocive la définition suivante : « personne morale à but philosophique, spirituel ou religieux dont les organes ou représentants commettent, pour son compte, des infractions pénales en tant qu'auteurs ou complices ». Il s'agit d'une définition juridique, reposant sur des concepts de droit pénal, donc à interprétation restrictive. C'est par conséquent une définition a minima. Il ne s'agit pas d'en faire une définition légale (ce qui serait une erreur colossale) mais une définition qui permette de tomber d'accord sur ce qu'on doit entendre par secte nocive dans la pratique, pour que les professionnels du secteur sachent entre eux de quoi ils parlent. Contrairement au rapport parlementaire de 1996 qui refusait de donner une définition de la secte sous prétexte que chacun sait bien ce que l'on entend par "secte" (alors que chacun d'entre nous s'en fait une idée différente !).
En conséquence, je me fiche de savoir si tel mouvement a un dogme bizarroïde, éthiquement incorrect ou scientifiquement infondé. Ce qui m'intéresse en revanche, c'est de déterminer si les agissements des adeptes (dans le cadre de leur foi) sont illégaux ou non. Car il faut bien, à un moment donné, que l'on pose une limite à ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Je propose donc de poser cette limite au niveau de la commission d'infractions pénales commises pour le compte de l'organisation par des responsables du groupe. C'est quand même bien restrictif.
Aussi quand je parle de distinguer les sectes nocives des autres groupes spirituels, il ne s'agit pas de tout catégoriser (je n'aime pas ça, moi non plus). C'est juste pour poser une ligne de démarcation. Quand on me parle cinéma et qu'on essaye à tout pris de classer les films par genre, j'ai coutume de dire qu'il n'y a que deux genres de films : les bons et les mauvais. Ça ne veut pas dire que je veux véritablement créer deux catégories de films ; c'est juste une boutade.
Quant à l'opposition pro/anti-sectes, elle doit à mon avis être prise en compte dans les faits, car bien des interventions, d'un côté comme de l'autre, ne laissent planer aucun doute sur le positionnement de leurs auteurs. Et bien sûr, on constate très clairement des abus des deux côtés de la balance :
- certains anti-sectes qui tirent sans réfléchir sur tout ce qui bouge ; à commencer par la MIVILUDES (l'épisode Ostad Elahi a été un grand moment d'égarement. Bien sûr, ça n'avait rien à voir avec l'affiliation politique du Maire Aeschlimann, ben non, tu penses...) ;
- des pro-sectes qui, même quand on leur met le nez sur les comportements répréhensibles commis au nom du dogme (avec documents authentiques à l'appui), persistent à dire que c'est pas vrai, que c'est la faute à l'UNADFI et qu'on a rien compris parce qu'on n'est pas sociologue des religions...
On est tous pour le respect du droit. Mais certains semblent en avoir une conception à géométrie variable. À l'image de la sociologue canadienne Susan J. Palmer, lorsqu'elle écrit : « Les crimes qui viennent des dérives sectaires ne sont pas des crimes ordinaires ; ils ont quelque chose de spécial» (http://www.cesnur.org/2006/sd_palmer_fr.htm). Pourquoi ça ? Ah, on ne sait pas, elle n'explique pas, elle nous assène sa vérité. Comprenne qui pourra. La vraie question n'est pas de savoir si elle raconte des âneries dans ses articles. Car Mme Palmer n'est pas une imbécile. Elle n'est pas une adepte du laisser-faire-n'importe-quoi. Mais elle sait parfaitement que ce qu'elle raconte à de nombreuses occasions ne tient pas la route. La vraie question est pourquoi raconte-t-elle autant de sottises ?
A l'opposé, les anti-sectes purs et durs ont aussi de belles oeillères. Pourquoi Mme Tavernier s'en prend-elle aux Témoins de Jéhovah avec des arguments qui font sourire, tandis qu'elle déclare qu'elle n'a jamais considéré l'AMORC comme une secte (ce qui est faux, comme le prouve joliment Xavier Martin-Dupont dans son billet sur polémique-sectes.org). Pourquoi Jean-Pierre Brard verse-t-il dans le conspirationnisme en défendant aujourd'hui la thèse de l'assassinat barbouzard dans le Vercors ? Est-ce vraiment le respect du droit qui guide leur action ?
Décidément, l'étude du phénomène sectaire et de ses corollaires n'a rien de manichéen...
By daneel, at 11:28 PM
Hello,
Je comprends bien votre définition de la secte, elle est très raisonnable d’ailleurs, surtout lorsque vous dites qu’il ne s’agit pas d’en faire une définition légale. Mais je ne comprends toujours pas en vous lisant, sinon la raison d’être de cette définition (peut-être me direz-vous que sa raison d’être est qu’il se trouve tout simplement en ce bas monde des organisations qui y répondent), du moins l’utilité pratique que l’on pourrait en tirer. Vous parlez de « tomber d’accord » et « pour que les professionnels du secteur sachent entre eux de quoi ils parlent ». Mais quels professionnels ? Et surtout quel secteur ?
S’agissant de la question de savoir si les agissements des adeptes (dans le cadre de leur foi) sont illégaux ou non, très bien là aussi. Mais la loi, n’est-ce pas justement le cadre qui pose la « limite de ce qui est acceptable et de ce qui ne l’est pas » ? Le fait est que des adeptes qui agissent illégalement en raison de leurs croyances l’on en trouve partout. La seule différence c’est que dans les « grandes religions », en raison justement de leur taille et de leur caractère d’institution (par opposition à celui d’association), n’ont plus l’emprise qu’elle avaient auparavant sur leurs «fidèles» et auquel peut encore prétendre un petit mouvement religieux. Peut-être me direz-vous qu’il s’agit là d’une distinction fondamentale. Peut-être. Voire même sûrement. Mais il est un fait également qu’il n’existe aucune loi qui fixe le « taux de réussite » maximum admis sur les adeptes et au-delà duquel il est permis de décréter qu’un mouvement est « nocif par définition ». Autrement dit (je vais essayer d’être clair), si la « nocivité » d’un mouvement ne dépend pas des croyances qu’il professe mais bien plutôt des comportements auxquels elles conduisent, à partir de quel pourcentage d’adeptes « pratiquants » est-on en droit de décréter qu’un mouvement religieux est fondamentalement délictueux ? Et, deuxième question, pour en tirer quelles conséquences ? La dissolution pure et simple du mouvement en question ?
By Anonyme, at 4:21 AM
Toute la question pour moi réside dans cette phrase : « C’est que vous semblez nier le déterminisme des mouvements sectaires », et plus particulièrement évidemment dans le mot « déterminisme ». Et je crois que c’est là-dessus également que s’affrontent ceux que l’on dit « pro » et ceux qui se disent « anti ». Et c’est ce que je tentais d’expliquer, maladroitement peut-être, à mon interlocutrice sur le blog de Mr Dupont par l’exemple des TJ. A mon avis les TJ ont toutes les caractéristiques du type secte tel qu’il a été défini par la sociologie des religions en opposition au type église. Je pourrais également ajouter que certains de leurs comportements, difficile de le nier d’ailleurs, « posent problème » (je ne suis pas juriste et ne peux en conséquence mesurer dans quelle mesure ceux-ci sont susceptibles de faire l’objet d’une action en justice. Je constate seulement que si des TJ peuvent être repris individuellement, comme chacun d’entre nous, le mouvement exerce dans de nombreux pays démocratiques de manière quasi « officielle »). Car la vraie question ici est pour moi de savoir, parmi les convictions des TJ dont on puisse dire qu’elles sont à l’origine de comportements délictueux (ou condamnables au regard de certains « principes éthiques »), lesquelles ne peuvent en aucun cas faire l’objet d‘une autre interprétation, ou d’une autre mise en pratique que celle qui est faite actuellement ? On revient par cette question à notre interrogation du début : s’agit-il vraiment d’un déterminisme ? Et sans aller jusque là, y’a-t-il vraiment ici matière à conclure, comme le fait l’anti-sectarisme à l’endroit du « phénomène sectaire », et quand bien même nul ne peut nier que s’agissant des TJ leur refus des transfusions sanguines découle bien d’une de leur croyance (vous parliez de « comportements répréhensibles commis au nom du dogme »), qu’il s’agit là d’une organisation bâtie sur des fondements délictueux ou nocifs ? L’on peut je crois répondre à la question que j’ai posée au sujet des TJ en disant qu’il n’y a rien ici qui nous autorise à conclure en la nocivité intrinsèque, ou disons constitutionnelle, de ce mouvement, autrement dit qu'il n’y a ici rien qui les différencie fondamentalement des autres formes d’expression religieuse, rien qui nous oblige à les traiter autrement, en les enfermant notamment dans une définition touchant aux infractions pénales. Et je suis sûr que l’on peut en dire de même de la majorité des « sectes ».
By Anonyme, at 6:01 AM
Bonjour.
Permettez-moi tout d'abord de vous dire que je suis très heureux d'avoir cette discussion parce que, plus ça va, plus ça se complique ! Et on soulève ainsi des questions de fond rarement évoquées.
En ce qui concerne l'utilité pratique de la définition que je donne de la secte nocive, je dirais qu'elle s'adresse d'abord aux fonctionnaires ou assimilés qui sont confrontés au phénomène sectaire. Pour avoir été du nombre durant 10 ans, je ne sais que trop bien que toutes les administrations, à tous les niveaux, sont très fières de dire qu'elles travaillent sur les sectes. Le problème, c'est qu'aucun de ces services n'est fichu de dire ce qu'il entend par secte. Ce qui fait que je me suis retrouvé saisi de demandes de renseignement sur des groupements totalement anodins, souvent complètement inoffensifs mais que l'on affublait du terme de "secte" pour des raisons obscures voire franchement ridicules. Et je ne parle pas des réunions inter-services et inter-administrations, où les malentendus allaient bon train, précisément parce que, au départ, chacun des participants avait son idée propre de la secte et s'y tenait.
Si l'administration voulait bien définir la secte nocive, celle qui mérite qu'on se penche sur elle au plan légal et réglementaire, on éviterait bien des déconvenues. À quoi sert la MIVILUDES si elle n'est même pas capable de faire ça ? La Mission refuse de définir la secte et dit ne s'intéresser qu'aux dérives sectaires. Mais c'est quoi une dérive sectaire ?
Je suis d'accord pour dire que des adeptes qui agissent illégalement en raison de leurs croyances l’on en trouve partout. Mais ma définition entend bien faire fi des questions quantitatives.
Dans ma thèse, je ne dis pas que l'Église de scientologie au sens large est une secte nocive. Il s'agit selon moi au contraire de déterminer au cas par cas si telle ou telle org de scientologie est une secte nocive. Vouloir attaquer la Scientologie ou toute autre organisation multi-nationale dans son ensemble n'a aucun sens (ce que les rédacteurs de la loi About-Picard n'ont pas compris, en voulant élargir d'office la dissolution aux autres branches de l'organisation sur le territoire).
Dès lors, il ne s'agit plus de savoir, par exemple, si l'Église catholique dans son ensemble est une secte nocive, mais si des entités spécifiques (genre telle ou telle communauté charismatique prise séparément) le sont ou non, au vu de la définition que je donne.
On évite ainsi le débat stérile sectes vs. grandes religions. Et je passe au-dessus de ces considérations sans intérêt (au plan juridique) de taux de réussite ou de masse critique des fidèles.
Quant au mouvement nocif par définition, je vous renvoie ici au droit pénal : si j'utilise le terme personne morale dans ma définition, c'est parce que le Code pénal fait une distinction importante :
- la personne morale qui a été créée en vue de commettre des infractions (comprenez : celle dont les fondateurs savent pertinemment qu'ils vont agir illégalement) ;
- la personne morale qui a été détournée de son objet pour commettre des infractions.
C'est fondamental et cela permet au juge de déterminer quelle personne morale peut être dissoute et quelle personne morale ne doit subir que des pénalités temporaires (en plus des pénalités contre les personnes physiques). Pour faire la distinction, le juge s'appuiera sur des éléments de fait spécifiques : par exemple, si le dogme originel de l'association prévoit la commission d'infractions, c'est que l'on est en présence d'une personne morale créée en vue de commettre des infractions et elle est passible d'une dissolution au pénal. En revanche, si l'infraction jugée apparaît être le fait d'un dirigeant qui a interprété trop largement le dogme pour servir ses fins ou ses convictions personnelles, la dissolution ne sera pas encourue. Des peines temporaires pourraient alors être décidées contre l'association (en plus des peines contre lui, personne physique), dont la gravité varierait en fonction par exemple de la représentativité du dirigeant dans les instances de l'organisation.
Vous reconnaîtrez avec moi que c'est quand même plus subtil que l'aberrante procédure de dissolution de l'article 1er de la loi About-Picard ! Allez hop, on dissout d'abord et on pose les questions après !
Concernant votre second commentaire et l'exemple des TJ. Tout d'abord, j'estime que les TJ exercent en France de manière officielle (et pas quasi-) car ils sont déclarés en de nombreuses associations cultuelles (là encore que d'âneries écrites et dites par l'administration sur le statut d'association cultuelle). Point.
À partir de là, on peut tourner la question dans tous les sens, on ne peut pas leur refuser la location d'une salle ou un permis de construire tant que l'on n'a pas démontré que l'association cultuelle-entité juridique qui veut s'implanter (et non l'organisation mondiale des TJ) présente un trouble à l'ordre public. Je ne comprends pas comment des maires et des préfets peuvent être aussi mal embouchés sur cette question. Ils font des recours et après se déclarent horrifiés parce que la justice administrative leur a donné tort ! Bienvenue dans le monde du droit public...
Ce qui nous ramène à la question de la nocivité intrinsèque des TJ. Il est évident que lorsqu'une association TJ (et pas les TJ au plan mondial) se crée et que le dogme du Bethel est alors de ne pas refuser les transfusions, l'association n'est pas créée en vue de violer la loi sur ce point. Et si le dogme change, l'association peut être poursuivie si elle contraint ses adeptes à refuser la transfusion. Mais elle ne pourra pas être dissoute sur ce fondement.
En revanche, si l'association a été créée alors que le dogme anti-transfusion était déjà en vigueur, ce n'est plus pareil.
Mais là encore, on ne doit pas chercher à juger TOUTES les organisations TJ, seulement l'association-entité juridique à laquelle est rattaché l'adepte en souffrance. Et on prendra alors en compte le dogme des TJ au plan mondial pour déterminer si la seule association en cause est coupable ou non.
C'est une distinction fondamentale que la quasi-totalité des anti-sectes ne font pas.
J'espère avoir été à peu près clair... :-)
By daneel, at 10:53 AM
Il faut que je vous relise attentivement, car il est clair que je n'ai jamais entendu un discours comme le vôtre. Disons un discours qui a l'intention de se montrer pragmatique et attaché à certaines réalités liées notamment, comme vous le dites, au "monde du droit public". Je me permettrais de vous écrire à nouveau si, après relecture, il me reste des obscurités! Merci.
By Anonyme, at 11:12 AM
Hello,
J'ai une question (déjà!) à vous poser. Qu'est-ce qui a présidé à cet effort intellectuel qui a été le votre et qui a pris la forme d'un doctorat? Est-ce la conviction que le champ religieux ploie sous une menace inconnue jusqu'à il y a peu, ou alors d'une intensité nouvelle, ou est-ce simplement le constat que les moyens légaux actuels ne sont pas suffisants pour répondre aux abérrations qui ont depuis toujours fleuri sur le terreau de la foi et de la spiritualité et auxquelles selon vous il serait grand temps d'y mettre le aula? Deuxième question: la solutin que vous proposez entraîne-t-elle de grandes modification dans le système juridique français?
By Anonyme, at 2:46 PM
Maintenant svp dites moi si j'ai bien compris. Prenons l'exemple des TJ. Imaginons qu'une nouvelle congégation voit le jour. Chacun sait désormais que toute nouvelle congrégation TJ s'érige avec, si j'ose dire, le refus des transfusions sanguines dans ses bagages. Imaginons que quelque temps plus tard un fidèle de cette congrégation meurt pour avoir refusé une transfusion. Là nous serions donc dans le cas de la "personne morale qui a été créée en vue de commettre des infractions", et en l'occurence celle dont a eu a subir le fidèle en question, le refus des transfusions sanguines. La conséquence de ces événements serait donc la dissolution pénale de la congrégation en question, c'est bien cela?
By Anonyme, at 3:02 PM
Bonsoir.
Pour faire suite à vos deux derniers commentaires, je commencerai par répondre au... second.
Concernant la nouvelle congrégation TJ avec le refus des transfusions dans ses bagages :-), vous avez fort bien compris le principe que j'énonçais. Les seuls correctifs que j'apporterais concerneraient des détails :
1- les pressions exercées sur l'adepte mourant doivent être le fait d'un responsable de l'association TJ (ce que le Code pénal désigne sous les termes d'organes ou de représentants). Dans le cas de responsables de fait, il faut que l'enquête et/ou l'instruction apportent la preuve de cette "délégation de pouvoir".
2- l'association TJ en tant que personne morale ne serait pas obligatoirement dissoute, mais elle encourrait la dissolution. Il s'agit ensuite d'apporter des éléments probants justifiant aux yeux du juge la dissolution : notamment établir la réalité du dogme et son caractére impératif.
Relativement à votre question sur mon cheminement vers le doctorat, tout est au départ le fait du hasard. En sortant de mon service national, j'ai décidé d'intégrer un DEA de sciences criminelles et lorsqu'il s'est agi pour moi de trouver un sujet pour mon mémoire, je me suis souvenu de deux reportages consacrés aux sectes que j'avais vu 6 mois-un an plus tôt Je n'y connaissais absolument rien, je n'avais aucun membre de ma famille ou ami concerné par le phénomène. Je me suis juste dit que, d'un côté, on avait des victimes de sectes qui disaient « c'est terrible », mais de l'autre, en tant que juriste, j'étais étonné par le très faible nombre de condamnations en France. Y avait-il un fait sectaire en France ? Jonestown était-il un fait isolé ou la partie émergée de l'iceberg ? Est-ce qu'on ne sombrait pas une peu vite dans une parano journalistique ? Ça m'a semblé un sujet intéressant. D'autant plus qu'on en parlait assez peu à l'époque (1992) et que je n'avais pas envie de travailler sur un sujet déjà bien défriché.
Afin de m'assurer que mon sujet soit accepté par ma directrice de mémoire, j'ai conçu le titre de façon à ce qu'il colle au titre d'un de ses séminaires dans le cadre du DEA (ouh, le filou !). Mais cette petite manipulation m'a involontairement été d'un grand secours : en choisissant dès le départ une vision très spécialisée, un seul aspect du phénomène sectaire, j'ai évité de tourner en rond sur des considérations bien pauvres, genre droit et sectes. Parce que les grands principes du droit en matière religieuse, on a compris assez vite. Liberté religieuse, articles X et XI de la DDHC de 1789, laïcité de l'État, Convention européenne des Droits de l'Homme... C'est bon, il s'agirait de passer à autre chose. Non pas que ça ne soit pas intéressant, mais je ne voyais pas l'intérêt de refaire (recopier ?) ce que d'autres avaient fait avant moi et mieux que moi. Résultat, ce qui a pris à certains un mémoire entier ou l'intégralité d'une thèse, je le réglais dans mon introduction. Ce qui m'a conduit à attaquer assez rapidement dans le bois dur et à me poser des questions un peu plus pertinentes que : « Peut-on interdire les sectes ? » ou autre interrogation à deux balles.
Je ne prétends pas avoir tout compris mieux que tout le monde. Simplement, j'ai décidé d'aller au fond des choses sur une question très spécifique, en l'occurrence la répression des atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne humaine relativement aux sectes (si ça vous intéresse, j'ai mon mémoire sous forme numérique. Roger Gonnet devait le publier sur son site il y a deux ans, mais je crois qu'il ne l'a finalement pas fait. Il faudrait que je vérifie).
Le problème avec ce satané mémoire, c'est qu'assez rapidement, j'ai mis le doigt sur l'Église de Scientologie. Et plus ça avançait, plus j'hallucinais. Je me disais : « C'est pas possible ! Ces bouquins racontent des conneries ! Un truc pareil en France, on serait au courant ! On en aurait parlé à la TV ! ». Mais comme je continuais à chercher, j'ai déterré des originaux des "textes de loi" de la Scientologie. Et là je suis tombé de l'arbre. Je recoupais la plupart de mes sources ! Il y avait quelque chose qui clochait quelque part...
Si bien qu'au bout d'un an, je me suis dit « Ben mon coco, tu peux pas t'arrêter là ! » et j'ai décidé de passer à la thèse. Ce qui m'intéressait, c'était de continuer mes recherches sur la Sciento, bien sûr, mais aussi de traiter, au plan juridique, d'une seule organisation, ce qui n'avait jamais été fait. L'avantage, c'est qu'en faisant cela, j'évitais les amalgames. Je traitais de l'Église de Scientologie uniquement, et encore, pas sur tous ces comportements, seulement sur un nombre limité (bien que les plus pratiqués). Après, libre à d'autres de poursuivre le travail sur la Sciento quant à d'autres comportements et d'autres branches du droit. Mais au moins, sur une poignée de points précis, je voulais savoir vraiment de quoi je parlais. Savoir si oui ou non les organisations de scientologie étaient des sectes nocives.
Vous le voyez, ma démarche était purement juridique. En tant qu'athée, je le confesse (si j'ose dire), les menaces à la liberté religieuse ne faisaient pas partie de mes préoccupations premières... Je dis d'ailleurs dans ma thèse que la scientologie doit être considérée comme une religion au sens du droit public. Il y a des anti-sectes qui n'ont toujours pas compris pourquoi j'ai écrit ça... Comme si, quand on dit secte, c'est des méchants et quand on dit religion, c'est des gentils... Il faudrait peut-être voir plus loin que le bout de son nez. Mais bon, pour moi, c'est une question de bon sens. Pour le reste, je ne me considère pas très compétent sur ces questions sociologiques genre « secte ou religion ? ». Alors, je ne la ramène pas.
En revanche, quand des sociologues des religions veulent nous donner des leçons de droit, là, je m'en mêle (revenez donc sur ce blog d'ici quelques jours...).
Quant à votre dernière question, j'estime que l'arsenal juridique est, surtout depuis le nouveau Code pénal de 1994, amplement suffisant pour répondre aux aberrations que vous évoquez. Quelques modifications mineures ne sont pas à exclure (notamment une poignée de dispositions passés inaperçues dans la loi About-Picard). La solution que je propose ne consiste qu'en une application des textes existants !
Je n'ai pas la prétention de réinventer la roue. D'autres n'ont pas eu ces états d'âme : les grandes dispositions de la loi du 12 juin 2001 sont des aberrations ! Certains opposants ont hurlé que c'était une loi liberticide. C'est faux. D'autres ont prétendu qu'elle ne servait à rien. C'est faux. Non, c'est plus sérieux que ça : cette loi renforce l'impunité de faits graves. En pratique, cette loi a un effet contraire au but qu'elle prétend rechercher !
Mais bon, là c'est un autre débat et je crois que j'ai déjà fait (beaucoup) trop long. Merci d'être resté jusque là. J'espère au moins que ce grand déballage aura répondu à vos interrogations...
By daneel, at 1:02 PM
Oui merci pour votre réponse, mais comme souvent, quand on comprend quelque chose, cela entraîne une nouvelle question! Si vous en avez marre dites le moi franchement. La définition de la secte que vous proposez et que vous destinez aux professionnels du secteur, sous quelle forme devrait-elle être prise en compte par l’administration ? Sous la forme d'un simple « post-it » que chaque fonctionnaire se devrait de coller sur son écran pour ne pas l’oublier dans les cas où il serait confronté à un problème de « secte », histoire de savoir de quoi il parle, ou, et sans entrer dans la définition légale comme vous l’avez souligné, prendre une forme plus « officielle » ? Autrement dit, sous quelle forme et par quelle voie cette définition devrait/pourrait-elle entrer dans l’administration publique ? Et pour en faire quelle utilité et l’utiliser comment ? Définition juridique et non légale avez-vous dit ? Excusez mon ignorance.
By Anonyme, at 1:52 PM
Prenons un autre exemple si vous le voulez bien (un exemple qui n'a aucne prétention d'avoir un quelconque rapport avec la réalité, mais qui sait, tout est possible!). Imaginons une congrégation religieuse x ou y. Elle a a sa tête un dirigeant, type "pasteur" voire carrément fondateur du mandarom, peu importe. Partons de l'hypothèse qu'un adepte se plaigne d'avoir eu à subir des violences d'ordre sexuel. Imaginons qu'après enquête il est établi d'une part que la congrégation en question portait en elle le fondement théorique à l'origine de l'exaction incriminée (réalité du dogme et son caractère impératifi comme vous le disiez), et que ce fondement théorique soit un élément constitutif de la dite congrégation (personne morale créée en vue de commettre des infractions). Ici il n'y aurait plus matière à polémiquer, dès lors que éléments sont établis. Notre congrégation devrait-être dissoute, nous sommes d'accord? Pas question notamment de se demander s'il y a eu des pressions exercées sur le ou la plaignante, dès lors que l'acte en soi est illégal.
By Anonyme, at 2:25 PM
Tout d'abord, non, je n'en ai pas marre... Je réitère ce que j'ai dit plus haut sur cette discussion.
Ensuite, concernant cette définition, je pense que la forme la plus adéquate pour lui donner une application pratique serait la circulaire. Elle s'imposerait ainsi juridiquement aux fonctionnaires relevant du ou des ministères qui l'auraient produite.
Il existe déjà des circulaires consacrées aux sectes, mais les ministres ont tellement les foies de se prendre un recours devant le Conseil d'État que ces circulaires parlent ouvertement des « sectes » sans les définir. Ou alors de manière particulièrement nébuleuse. Ce qui fait qu'on n'est toujours pas plus avancé dans les réunions de travail et dans les échanges entre services ! Comment voulez-vous travailler sur un concept qui n'a pas été préalablement défini ? Ça m'a toujours profondément agacé, cette façon de mettre la charrue avant les boeufs.
Bref, il s'agirait d'une définition juridique de nature réglementaire (car figurant dans un règlement administratif), mais pas légale (car n'apparaissant pas dans la loi).
Par ailleurs, concernant le dernier commentaire, la congrégation encourrait la dissolution. On ne peut pas dire qu'elle doit être dissoute, car c'est au juge qu'est laissé l'appréciation de la sanction adéquate. Et il peut toujours estimer pour une raison X ou Y que la dissolution est trop sévère et préférer une peine pécuniaire ou temporaire. Mais bon, si j'arrête d'ergoter comme un juriste, oui, alors elle devrait être dissoute.
Mais quand je parlais de pressions sur le TJ en souffrance, c'est parce que les infractions que l'on pourrait relever nécessitent pour être caractérisées, qu'il y ait eu des pressions sur la victime. Dans le cas que vous évoquez maintenant, (les violences sexuelles), les menaces, violences, contraintes etc. sont là aussi un élément constitutif de l'infraction à l'encontre de l'auteur-personne physique. Ce qui complexifie un peu le problème...
Une fois cette infraction de violence sexuelle caractérisée, on ne peut évidemment pas établir que la personne morale a exercé cette agression sexuelle. Mais, si la personne morale a servi de cadre (en quelque sorte) à ces violences sexuelles, si elles ont été commises par des organes ou des représentants de la congrégation comme auteurs ou complices, alors la congrégation engage sa responsabilité.
Ce terme de complicité est très important car il ne limite pas la répression contre la personne morale aux seuls cas où le viol aurait été commis par un responsable du groupe. Cela s'étend au cas où ce responsable a aidé ou poussé l'auteur de l'infraction à agir (il existe deux types de complicité répréhensible : aide ou assistance d'une part, instigation d'autre part), notamment pour obéir au dogme.
Sur ce point (aussi), la loi About-Picard et ce que j'appelle sa circonstance aggravante de gourou sont gravement déficientes.
Tout cela est assez complexe, j'en conviens, mais si vous souhaitez des éclaircissements, n'hésitez pas...
By daneel, at 4:45 PM
J'ai envie de revenir sur cette notion de contrainte si vous le voulez bien. Nous avons parlé de l'exemple des TJ, et vous avez illustré votre propos en disant: "Il est évident que lorsqu'une association TJ (et pas les TJ au plan mondial) se crée et que le dogme du Bethel est alors de ne pas refuser les transfusions, l'association n'est pas créée en vue de violer la loi sur ce point. Et si le dogme change, l'association peut être poursuivie si elle contraint ses adeptes à refuser la transfusion". Et de poursuivre : "les pressions exercées sur l'adepte mourant doivent être le fait d'un responsable de l'association TJ". Le juge devra "établir la réalité du dogme et son caractère impératif". Nous savons bien qu'à l'heure actuelle le refus des transfusions sanguines est un dogme qui chez les TJ a un "caractère impératif". La question dans un tel cas, et lorsqu'il s'agit d'un adepte adulte bien sûr, est donc de déterminer la réalité de la "contrainte". Car au fond, ce n'est pas parce qu'il y a dogme, et qu'il est impératif, qu'il y a nécessairement contrainte. Le croyant peut parfaitement affirmer, et ce peut être parfaitement vrai, avoir fait librement sien ce principe et s'y conformer en toute connaissance de cause. Est-ce un délit en soi de refuser un traitement médical? Et si oui, comment prouver que la personne n'aurait pas fait le même choix avec ou sans jéhovisme, si elle soutient le contraire? Elle peut toujours dire que c'est son choix à elle, non? Car face à une personne qui en dehors de toute "secte" se refuse à recevoir une transfusion sanguine (j'imagine que cela peut arriver), que devraient faire nos autorités dans un tel cas si elles entendent punir les TJ parce que ceux-ci se refusent aux transfusions sanguines? La transfuser puis la punir lorsqu'elle sera rétablie? Je dis n'importe quoi, mais comprenez-vous le sens de ma question s'agissant de l'élément "contrainte" ou "pression exercée"?
By Anonyme, at 5:11 PM
Oui, bien sûr. Même un adepte manipulé jusqu'au dernier degré a toujours l'impression d'être libre de ses actes. Et il peut effectivement dire au juge qu'il agit de ce fait de sa propre initiative.
Mais nous parlions du cas du refus des transfusions sanguines chez les TJ. Or, ici, il a été clairement établi que des responsables TJ faisaient le forcing dans les hôpitaux pour enfoncer le clou (si j'ose dire) chez l'adepte en souffrance. Genre : le type sur son lit de mort à qui on vient répéter 20 h par jour : « n'oublie pas, hein, c'est mieux de mourir, OK ? ». Dans un cas pareil, il n'y a pas photo. D'autant plus que si les TJ se sentent obligés d'agir ainsi, c'est qu'ils sentent bien que, s'ils ne le faisaient pas, l'adepte finirait par accepter la transfusion.
Mais en l'absence de ces agressives mouches du coche, vous avez effectivement raison : établir les contraintes devient plus difficile. On sort alors du religieux. C'est une question d'éthique (voire de droit) médicale : acharnement thérapeutique, non assistance à personne en danger, voire euthanasie (autrement dit : assassinat) ?
Et là, vous avez une nouvelle fois raison, ça n'a plus aucun sens de vouloir à tout prix en faire un problème de sectes. On trouve effectivement des personne non jéhovistes qui refusent certains soins pour des raisons non religieuses. Mais sur le fond, il n'y a pas de différence fondamentale. On tombe plutôt dans le concept plus général du droit de mourir dans la dignité.
En revanche, quant à punir la personne qui refuse la transfusion, vous dites en effet n'importe quoi ;-) !
Plus sérieusement,... elle n'encourt absolument aucune poursuite : le suicide n'est pas une infraction. Mais la provocation au suicide, oui !
Pour résumer, la personne est libre de mourir. Reste à savoir si le médecin a, lui, le droit de la laisser mourir ! La question de la contrainte causée par autrui demeure une question de fait, qui sera appréciée souverainement par le juge.
By daneel, at 8:39 PM
C’est là à mon avis toute l’ambiguïté et la difficulté de mettre en place une « définition » de la « secte ». Car même si dans celle que vous proposez il n’est pas fait mention d’un certain type de dérives ou de comportements délictueux en particulier (comme on l’entend souvent dans les discours anti-sectes de base, du style : dans une secte il y a presque toujours des actes de pédophilie, dans une secte l’adepte est certain de voir son compte en banque vidé, dans une secte on pratique une forme de « coercition mentale », etc.) l’on part tout de même avec l’idée que dans une « secte » il y a des « adeptes » (c’est une évidence) et que ces adeptes sont « manipulés ». Dès lors, dans une situation comme celle dont nous parlons (refus d’un traitement médical pouvant entraîner la mort), et quand bien même l’acte en lui-même n’est pas illégal (refuser un traitement médical), l’on va tout de même s’acharner à chercher des coupables (les responsables de la secte qui feraient pression sur la victime), et ceci uniquement parce que l’on est, ou l’on suppose être, ou l’on dit être, dans un cadre « sectaire » ; un cadre qui a nécessité une définition particulière (celle que vous proposez), donc une mesure particulière, et qui doit par conséquent présenter des difficultés particulières, dont l’une, aime-t-on à croire, serait justement de maintenir les adeptes dans un état de manipulation ou de coercition généralisé. Comme vous le dites : « un adepte manipulé jusqu'au dernier degré a toujours l'impression d'être libre de ses actes. » Parleriez-vous dans ces termes au sujet d’une église par exemple ? Mais vous avez raison, si notre adepte est bien manipulé, il aura « l’impression d’être libre de ses actes. » Mais le fait est que si notre adepte n’est pas manipulé, il aura la même impression et tiendra le même discours. Comme vous le dites, « la question de la contrainte causée par autrui demeure une question de fait, qui sera appréciée souverainement par le juge. » Et là l’on peut croire en la sagesse des juges. Car au fond, même lorsque des TJ font le pied de grue « 20 h par jour » devant le lit d’un adepte en souffrance, cela ne signifie par pour autant, quasi mathématiquement (20h. Et s’ils n’étaient là que 15h, ou 10h, ou 1h par jour ?), « qu’il n’y a pas photo », et que cet adepte ne fait pas sien, librement, le principe par lequel il risque d’y laisser sa vie. Et quand bien même il est bien possible, encore que pas certain, qu’il en vienne à « céder » sans cet « entourage de conviction », cela ne dit rien il me semble quant à sa capacité à demeurer maître de la situation et de ses choix (car au fond, qui n’a jamais eu besoin d’encouragements, appelons cela comme ça, pour tenir une décision qu’il a lui-même prise, comme, par exemple, arrêter de fumer ? Ca n’est pas parce que vous n’y seriez pas arrivé tout seul que vous n’avez pas agi librement. Et cet exemple je peux parfaitement le concevoir dans des situations où la vie d’une personne est en jeu. Mourir en raison d’un attachement inflexible à ses convictions religieuses ne date pas d’hier et n’est pas plus « sectaire » qu’ « ecclésial » si j’ose dire). Bref, on voit là toute la difficulté d’apprécier la situation sereinement dès lors que l’on est convaincu d’avoir affaire à une « secte ». A priori l’on pourrait penser qu’ils sont là pour entourer le malade, le réconforter dans ses difficultés, l’encourager. Au lieu de cela on préfère se dire qu’il est manipulé et qu’il est donc du devoir de l’enquête ou du juge d’en faire la démonstration (ce qui ne veut pas dire, évidemment, qu’il ne faille pas se poser la question, précisons). Dans des cas comme celui-ci, où il n’y a pas en soi délit, le fait d’être présumé membre d’une « secte » jouera toujours en défaveur de la congrégation sur laquelle repose les soupçons.
La situation que vous évoquez avec la communauté Tabitha’s Place est pour moi plus facile à apprécier : il y a des actes qui sont en soi illégaux et dès lors qu’ils sont la conséquence systématique de la doctrine que partage le groupe en question, tout devient plus facile. Ce qui n’est souvent pas le cas dans d’autres situations. Et c’est justement dans de telles situations que l’idée de faire une définition censée rendre compte d’un type particulier d’entité religieuse (que vous appelez « secte nocive ») peut se révéler à mon avis pervers, voire discriminatoire. Quand vous dites : « Mais en l'absence de ces agressives mouches du coche, vous avez effectivement raison : établir les contraintes devient plus difficile. On sort alors du religieux », la question pour moi est ici : pourquoi donc faudrait-il entrer dans le « religieux », dès lors qu’un état laïc ne fait aucune différence entre actes présumés ou déclarés « religieux » et actes présumés ou déclarés « non-religieux » ? La « provocation au suicide » doit-elle être plus sévèrement punie lorsqu’elle touche à des principes dits « religieux »? Et, question polémique, n’y a-t-il pas de facto incitation au suicide dans cette croyance partagée et véhiculée par les religions monothéistes que l’âme humaine survit après la mort ? Vous savez ce que dira feu Stephen Jay Gould après les attentats du 11 septembre : « les religions monothéistes sont des bombes en puissance ». Et dans le cadre de ces attentats, aurait-il fallu rechercher la communauté religieuse à laquelle appartenaient ces kamikazes dans le but de déterminer s’il y a eu ou non création d’une « personne morale en vue de commettre des infractions » ?
By Anonyme, at 7:30 AM
Je me permets encore rapidement de rebondir sur ce que je viens de dire. L’on parle ici de « secte », de « groupe », d’ association (« association entité juridique »), vous utilisez même l’expression d’« entité spécifique », en précisant, à propos de l’Eglise catholique, « genre telle ou telle communauté charismatique prise séparément ». Il me semble qu’il y a là dès le départ de l’énoncé une source de discrimination, ou du moins une manière de réduire le champ d’application des mesures que vous proposez à un type donné d’organisation religieuse, en gros, on y revient, la « secte ». En effet, s’il est un fait que les organisations que l’on appelle aujourd’hui « sectes » ont pour la plupart d’entre elles la particularité d’être organisées en « entités spécifiques » (genre les congrégations des TJ, genre les antennes de la Scientologie – je ne sais pas exactement comment cette dernière est organisée je dois l’avouer – genre telle ou telle communauté du style Mandarom ou Tabitha’s Place, etc.), il serait faux de croire que c’est le cas de toutes les expressions ou de tous les courants religieux. Quand vous parlez de l’Eglise catholique, pour expliquer comment l’on pourrait appliquer votre système à cette dernière, vous faites références à des communautés charismatiques. Or, il est un fait que la majorité des catholiques ne font partie d’aucune « communauté » particulière, et que la seule « entité » à laquelle on pourrait les rattacher est leur paroisse. Dès lors, il devient difficile, il me semble, à partir de là, de mettre en application votre système, qui, si j’ai bien compris, n’entend s’appliquer qu’à des « entités spécifiques », sur le modèle justement de la « secte » (ce qui n’est pas étonnant dès lors que votre système a été justement conçu, dès l’origine, pour répondre, même indirectement, à un problème de « sectes », c’est-à-dire à un problèmes, en gros, de « communautés », de « groupes », et non pas d’institutions), maintenant de facto en dehors de son champ d’application des milliers de croyants, sinon la majorité d’entre eux. Autrement dit, cela ne revient-il pas à n’appliquer votre système, pour l’essentiel, qu’aux religions minoritaires, ou organisées d’une façon bien particulière, type « secte », lesquelles seraient les seules à risquer la« dissolution pénale »?
By Anonyme, at 8:01 AM
Bonjour.
Je crois impératif d'apporter une précision : vous semblez croire que le système et la définition que je préconise visent à traiter spécifiquement de la secte avec des outils généralistes. Contrairement à ce que vous semblez croire, je ne cherche pas à mettre le droit commun à la sauce "sectes". Absolument pas. C'est même tout le contraire. Une secte telle qu'on l'entend habituellement c'est une organisation qui doit être traitée en droit comme toutes les autres. Seulement voilà, aujourd'hui, les pouvoirs publics n'en sont pas arrivés à cette conclusion et ils font systématiquement une distinction qui ne s'impose généralement pas.
Il faut faire avec. Mais cela ne veut pas dire qu'on doive accepter qu'ils fassent n'importe quoi. Ce que je dis c'est : si l'administration veut à tout prix parler de sectes, alors qu'elle le fasse en définissant le concept. Qu'on sache de quoi on parle et qu'on évite les amalgames, les clichés et les discriminations.
Si les procureurs de la République (subordonnés au Ministère de la Justice) veulent casser de la secte parce que tel est le bon plaisir du ministre, qu'ls le fassent, mais qu'ils le fassent en respectant le bloc de constitutionnalité et les lois. L'exemple du procureur dans le procès Tabachnik qui beugle « Tabachnik est un tueur » et qui, après, ne requiert pas de peine contre le chef d'orchestre, c'est vraiment du foutage de gueule.
On ne peut pas empêcher les gens de faire des distinctions, de classer des concepts dans des cases. Mafias, sectes, officines barbouzardes, groupes terroristes,... Il faut que ça rentre dans une case, quitte à taper dessus pour que le rond rentre dans le carré. Seulement voilà, à l'arrivée, la justice dit : "ben non, ça marche pas commme ça", et tout ce petit monde crie à la conspiration (comme JP Brard récemment sur l'OTS).
Il faut en prendre son parti. Ce que je dis c'est que si l'on veut absolument parler de sectes, OK, mais c'est une distinction purement virtuelle, qui ne doit pas avoir de répercusions spécifiques en droit.
J'estime personnellement qu'il est crétin de vouloir « régler le problème des sectes ». Ça ne veut rien dire. Il y a des problèmes avec certaines organisations que l'on désigne habituellement sous le vocable de secte. Et si l'on veut « régler leur compte» à ces organisations, il faut s'y prendre spécifiquement, sans coloration sectaire, en utilisant le droit comme on l'utiliserait face à n'importe quelle organisation.
Je vais même jusqu'à dire que le concept d'« entreprise terroriste » en droit criminel français est inquiétant car il peut être mis à toutes les sauces. Bien sûr, le terrorisme est une plaie, mais attention, ce n'est pas parce que la population considère que c'est très grave (et c'est vrai) qu'il faut pour autant légitimer n'importe quelle disposition exorbitante du droit commun pour lutter contre le terrorisme. Selon quel critère objectif distingue-t-on un groupe terroriste d'une autre organisation criminelle ? Bientôt, il suffira qu'on trouve un adepte d'une "secte" porteur d'une grenade ou d'un détonateur de feu d'artifice pour appliquer à l'organisation à laquelle il appartient le concept d'entreprise terroriste avec toutes les conséquences qui y sont attachées. Et là, danger...
Ce que je dis, c'est simplement que, si on cherche à appliquer le droit commun aux "sectes", on peut le faire, mais en abandonnant toute approche religieuse de l'affaire. D'où l'exemple que je donnais pour déterminer si les TJ font pression sur l'adepte qui a besoin d'une transfusion. Mais ça reste une question de fait, livrée à l'appréciation souveraine des juges du fond (et non à l'arrière-pensée du procureur pressé par son ministre de mettre le paquet sur les sectes).
J'insiste, car apparemment, c'est le fondement de votre dernière critique : je ne cherche pas à sectariser à tout prix une situation qui tombe sous le coup de la loi. Je dis à ceux qui veulent le faire que, dans ce cas, il va falloir réfléchir un brin pour éviter de dire et de faire des conneries. Le droit pénal est certes à leur disposition, mais s'ils attaquent sous l'angle de la "secte", ils risquent de tomber de haut. On a le droit de penser qu'on a à faire à une secte. Mais on doit la traiter en justice comme n'importe quelle organisation.
De fait, je pense que vous comprendrez que votre argumentation sur les grandes religions ne me posent aucune difficulté particulière sur le principe. Après, effectivement, dans les faits, il revient à celui qui veut les poursuivre d'établir qu'ils sont bien les instigateurs des infractions commises par les adeptes.
Ainsi, je ne cherche pas à faire de discrimination a priori relativement à une organisation religieuse, afin de « réduire le champ d’application des mesures » que je propose « à un type donné d'organisation religieuse ».
Quant à votre discours sur les paroisses catholiques, n'oubliez pas que je ne cherche pas absolument à dissoudre à tout prix la personne morale à laquelle est rattaché l'adepte. C'est un problème de fait.
Si un curé de paroisse vire lefèbvriste et incite ses ouailles à aller s'enchaîner aux appareillages d'un centre hospitalier pratiquant l'avortement, et s'il est appuyé en cela par les clercs de ladite paroisse, on tombe dans la définition que je donne. Mais cela ne veut pas dire que cela sera forcément attesté dans les faits.
Quand on poursuit quelqu'un en jutice, il y a toujours une phase d'"inculpation" (au sens premier du terme), au cours de laquelle on estime que le présumé innocent a fait qqch d'interdit. On cherche alors quel texte de loi s'applique aux faits poursuivis. Si je suis votre raisonnement, il faudrait alors considérer que cette personne est victime de discrimination : il serait présumé coupable. Mais cela ne veut pas dire que la personne poursuivie sera nécessairement reconnue coupable. Tout dépendra des preuves recueillies.
Je pense que vous avez tendance à vouloir tout théoriser. Mais le problème des sectes est avant tout affaire de faits.
Enfin, n'oubliez pas que la dissolution n'est pas la seule peine que l'on puisse prononcer contre une personne morale. Elle n'est que la plus sévère. Il en existe bien d'autres. Là encore, c'est une question de faits.
By daneel, at 10:56 AM
Je ne peux qu'abonder dans votre direction, notamment lorsque vous diteS qu' "il y a des problèmes avec certaines organisations que l'on désigne habituellement sous le vocable de secte. Et si l'on veut « régler leur compte» à ces organisations, il faut s'y prendre spécifiquement, sans coloration sectaire, en utilisant le droit comme on l'utiliserait face à n'importe quelle organisation." Vous dites également : "si l'administration veut à tout prix parler de sectes, alors qu'elle le fasse en définissant le concept". Et vous avez utilisé à plusieurs reprises, à votre compte, l'expression "phénomène sectaire". Ma question est la suivante: y'a-t-il selon vous à l'heure actuelle quoi que ce soit de tangible qui oblige l'administration à disposer d'une telle définition, et si oui, quoi? Le fait qu'il existe un mouvement qui s'appelle la scientologie et un autre les TJ (je caricature évidemment)? Et êtes-vous d'accord avec moi si j'affirme que le champ religieux contemporain, malgré la grande confusion qui semble y régner, ne présente rien qu'on ne connaisse déjà depuis fort longtemps? Car lorsqu'on écoute le discours "anti-sectes", celui que portent des gens qui ont semble-t-il longtemps rêvé de voir un jour la "secte" entrer dans le code pénal, l'on a l'impression que le 20ème siècle a vu naître, sous l'impulsion de je ne sais quel phénomène, une menace nouvelle liée à la présence d'organisations dont le point commun serait d'avoir un goût immodéré pour la "manipulation mentale" et l' "escroquerie". Car si tout le monde sait parfaitement que le fait de former un mouvement "religieux" n'a jamais obligé personne à se conduire de manière à recevoir le prix nobel de la paix, la conviction qui semble s'être imposée s'agissant des sectes ce n'est pas tellement qu'elles puissent avoir des défauts et qu'elles soient toujours suscpetibles de conduire à des comportements délictueux, c'est bien plus radicalement l'idée qu'une secte (et quand bien même ils affirment ne pas porter de jugements de valeur) n'a de "religieux" que le nom qu'elle veut bien se donner, et que son but "réel" serait en gros d'exploiter les personnes qui "tombent dans ses filets". Ce que m'a dit un jour Mr Gonnet (que vous avez évoqué) est pour moi typique de tout discours "anti-sectes". "La très large majorité des gens qui créent des groupes religieux depuis 150 ans le font pour acquérir du pouvoir... ou le garder". Moi je suis prêt à voir de tout dans le champ religieux, y'a pas de doutes là dessus. Mais de là à limiter la "secte", autrement dit toutes ces organisations que l'on appelle aujourd'hui "sectes", à de "vulgaires escroqueries" où l'on est soit "manipulé" soit "manipulateur", il y a un pas que je ne serais pour ma part jamais prêt à franchir. Et aparemment, si l'on en croit mr. Gonnet, il ne reste plus grand-chose d' "authentique" dans le champ religieux actuel! Et quand on lit les "définitions" de la secte que proposent les sites militants, l'on voit bien que tout tourne autour de cette idée d'escroquerie pur sucre, de telle sorte que pafois l'on peut se demander s'ils n'en veulent pas plus aux organisations qu'ils pointent du doigt d'être des "sectes" que d'être à l'origine de tel ou tel comportement délictueux!
By Anonyme, at 2:34 PM
Compte tenu de mon expérience, je peux vous assurer (vous n'êtes pas obligé de me croire) que l'administration a de quoi s'occuper sur le plan sectaire. Cela ne veut pas dire que ce phénomène occuperait la majorité du travail des services de l'État, mais si l'on distingue les questions sectaires des autres problèmes, il y a de quoi faire. Mais pas forcément là où on le pense habituellement...
Or, lorsqu'une communauté dite sectaire pose problème juridiquement, c'est souvent pour des violations des lois et des réglements, et pas seulement au plan pénal : droit civil, droit du travail, droit fiscal,... Ce qui signifie que de nombreux services de l'État, rattachés à plusieurs ministères devraient coopérer. Et pour que ce petit monde échange des informations, encore faut-il que chacun sache quels sont les critères qui doivent être remplis pour qu'il se décide à transmettre des informations sur telle ou telle organisation. D'où la nécessité d'une définition.
Je ne sais pas ce que vous entendez par « le champ religieux contemporain (...) ne présente rien qu'on ne connaisse déjà depuis fort longtemps ». Si vous parlez du fait religieux majoritaire, je ne suis pas très compétent. C'est sûr qu'on a rien inventé de neuf depuis le bouddhisme, le christianisme, ou l'islam. En revanche, si l'on se tourne vers le fait religieux minoritaire, il faut quand même signaler que les dernières décennies ont apporté leur lot de nouvelles choses.
On peut en effet relever les cas du spiritisme, de la Théosophie à la fin du XIXème, qui débouchera sur le New Age (amplifié par le Flower Power), le soucoupisme des années 40-50, les groupes syncrétiques,...
Autre point de votre commentaire : si vous admettez ma conception de secte nocive, personne morale créée en vue de commettre des infractions, vous devez bien admettre que certains mouvements se sont créés avec des arrière-pensées assez peu spirituelles... Ça ne veut pas dire que toutes les "sectes" pointées du doigt aujourd'hui sont dans ce cas, mais un certain nombre, oui, indubitablement.
Quant à la recherche du pouvoir, elle est prégnante même dans des associations sportives fondées dans des villages de province. Alors, dans des groupes religieux multi-nationaux... A commencer par l'Église catholique.
En ce qui concerne Roger Gonnet, on peut estimer qu'il n'est pas objectif (comment pourrait-il l'être, avec son vécu ?) dans ses avis et commentaires. Mais son analyse n'est pas pour autant complètement fausse. Exagérée peut-être, mais fausse, non.
Par ailleurs, lorsque vous évoquez les définitions des sites militants, il se trouve quand même que (sans la moindre intervention de ma part... ), les sites info-sectes.ch et anti-scientologie.ch ont affiché en page d'accueil... ma définition !
C'est une boutade. Je comprends votre point de vue. Mais l'anti-sectes peut avoir raison de temps à autre. Même si c'est pour des raisons autres que celles qu'il invoque...
By daneel, at 11:14 PM
Je ne dis pas que les "anti-sectes" ont tort sur toute la ligne, mais j'ai beau retourner le problème qu'ils évoquent dans tous les sens, je ne vois toujours pas ce qui devrait aujourd'hui obliger l'administration à se convaincre qu'elle doit traiter en priorité le fait religieux, et au travers de celui-ci en priorité, en gros, le fait religieux minoritaire. Vous parliez dans un précédent commentaire de "sortir du religieux", mais encore une fois, les organes d'un état laïc doivent ils "entrer dans le religieux" pour traiter des questions juridiques? Le fait est il me semble que l'on ne condamnera jamais quelqu'un pour délit d'ordre religieux. Le fait est qu'un acte délictueux, qu'il soit ou non commis au travers d'un système de pensée qui se revendique de la "religion", sera ni plus ni moins délictueux qu’un acte identique commis dans un environnement non-religieux.
Comme je vous l'ai dit, je suis évidemment prêt à voir de tout dans le champ "religieux", ou, pour être plus précis, dans le champ des actions qui se disent "religieuses". Et je ne peux évidemment pas exclure l'escroquerie de celui (ou ceux) qui n'a rien trouvé de mieux pour assouvir ses élans mégalomaniaques que de se proclamer messie ou prophète. J'admets donc votre définition dans ce sens, dans le sens précisément où l'on ne peut nier qu'il se passe bien des choses dans le domaine de la foi et de la croyance, et pas toujours des plus remarquables. Ceci étant dit, je ne vois toujours pas pour quelle raison votre définition ne devrait s'appliquer qu'au fait religieux (d'ailleurs elle ne fait pas mention de cette dimension), ou, si vous voulez, et comme je l'ai dit au début de ce commentaire, qu'est-ce qui aujourd’hui obligerait l’administration à disposer d'une telle définition (si l’administration est si préoccupée par les « sectes », au fond, ce n’est pas parce qu’elle a « découvert » un beau matin l’existence du « phénomène », ou qu’elle a découvert qu’une « secte » était une entreprise criminelle, mais parce que cela fait des années maintenant que les associations anti-sectes, au travers d’exemples tragiquement célèbres, sont parvenues à convaincre le plus grand nombre qu’il y a un problème particulier du côté de ce qu’elles appellent les « sectes » et qui font justement l’objet unique de leur attention. Une attention unique, quasi monomaniaque, qu’elles essaient de faire partager à l’état et à ses institutions, y parvenant dans une certaine mesure en ce sens que leur discours occupe désormais également l’esprit de nombreux fonctionnaires, lesquelles ne sont pas étanchent évidemment aux mouvements d’opinion, quand bien même elles ne sont jamais parvenues à faire entrer la secte dans le code pénale, à leurs grands regrets). Quand je disais que le champ religieux contemporain ne présente à mon sens rien qui ne soit connu depuis fort longtemps (depuis la nuit des temps pourrait-on dire), je voulais dire par là non en termes de croyances, mais en terme de délits ou de comportements « déviants ». Quand on lit certaines études sur le fait religieux "non-conforme" au 19ème siècle, voire au Moyen-Age et à d'autres époques, l'on apprend que les "sectes" du passé n'avaient rien à envier à certaines qui pratiquent aujourd'hui. Sans oublier bien entendu toutes les violences et l'intolérance qu'ont engendrées les grandes religions. Bref, si j'admets (difficile de le nier d'ailleurs) l'existence de groupes créés en vue de commettre des infractions, je ne vois toujours pas la nécessité de disposer d’une définition de la "secte", aussi raisonnable soit-elle. A moins que l'on nous dise qu'un acte délictueux, dès lors qu'il est commis dans le domaine religieux, et qui plus est réputé "sectaire", doit être sanctionné différemment d'un acte identique commis dans un tout autre contexte. Comme je vous l'ai dit, la phrase de Mr Gonnet est pour moi symptomatique du discours "anti-sectes", de cette volonté de faire de la "secte", ou d'un certain type d'organisations qui se présentent comme "religieuses", l'objet d’un acharnement particulier, l’objet d'un combat singulier, à part. Le but des associations anti-sectes n'étant pas de pacifier l'entier du champ religieux (autant dire la société tout entière pendant qu'on y est), en s'attaquant sans distinction à tout ce qui le pourrit (tout « anti » que soient certaines personnes, elles restent tout de même conscientes que l'humanité n'a pas eu à attendre l'arrivée des "sectes" , ou des raeliens, ou de la scientologie, pour avoir à déplorer des comportements répréhensibles se réclamant du spirituel et du sacré), mais de mettre un terme à une "menace" qu'ils appellent "sectaires" et qui en gros serait constituée d'organisations dont le but "réel" serait tout autre que celui "derrière lequel elles s'avancent". Une secte, selon l'UNADEFI, c'est "un groupe dans lequel on pratique une manipulation mentale qui entraîne endoctrinement, contrôle de la pensée, viol psychique, destruction de la personne et de la famille, voire de la société." Dès lors, et fort de cette conviction (la définition que je cite ici est reprise, avec d'autres du même tonneau, sur le site prevensectes), que des anti-sectes déclarés reprennent votre définition ne m'étonne guère, car elle peut AUSSI cadrer avec les leurs. Je dis aussi car votre définition a le mérite de ne pas chercher à tout prix à imposer l’idée apocalyptique qu’une « secte » est une organisation qui pratique une "manipulation mentale aux conséquences désastreuses sur l'individu, la famille et la société tout entière". Je profite de ce commentaire pour vous remercier chaleureusement du long entretien que vous avez eu la patience de m'accorder de manière tout à fait amicale. Au plaisir de vous relire et encore merci.
By Anonyme, at 5:40 AM
Un dernier mot sur l'affirmation de Mr Gonnet. Mr Gonnet, en englobant comme il le fait l'ensemble du fait religieux minoritaire contemporain dans le "sectaire" (c'est-à-dire, dans son esprit, dans l'escroquerie pure souche), il est certes à peu près sûr de trouver au moins un exemple qui corresponde à ses dires. Que les "sectes" d'aujourd'hui aient été fondées par des gens en quête de pouvoir est une position qui se défend, évidemment, mais, et comme vous l'avez vous même souligné, cela n'est en rien le propre des "sectes" d'aujourd'hui, à moins de croire que les pères fondateurs des courants religieux du passé étaient des gens désincarnés. Et partir de là pour en arriver à décréter qu'une "secte" n'est rien d'autre qu'une escroquerie, il y a un passage dans son raisonnement qui m'échappe complètement.
By Anonyme, at 6:37 AM
Hello, Merci pour vos réponses. C'est vous le facteur? Que voulez-vous que je dise de Mme Palmer? Votre démonstration suffit, et si je n'ai rien dit sur elle c'est que les conclusions que vous en tirez sont évidentes. Moi j'aimerais bien, comme vous, qu'elle vous lise et essaie de vous répondre. Je serais très intéressé par ça. Votre travail est excellent, je vous le répète, BRAVO!
Mais pour moi toute la question se situe au niveau du premier paragraphe de votre dernière réponse. A la question « Qu'est-ce qui aujourd'hui, selon vous, oblige les organes de l'Etat à disposer d'une définition juridique du concept de "secte", si tant est bien entendu que vous estimiez que l'administration doive se préoccuper d'un tel concept ? ». Une question qui fait écho à ce que je disais dans mon avant dernière note aux commentaires de l’article sur la communauté de Tabitha’s Place : « Quand je disais que le champ religieux contemporain ne présente à mon sens rien qui ne soit connu depuis fort longtemps (depuis la nuit des temps pourrait-on dire), je voulais dire par là non en termes de croyances, mais en terme de délits ou de comportements déviants. » Croyez-vous donc que si l’état refuse de faire un distinguo entre ce que l’unadefi appelle les « sectes » et les autres formes d’organisations humaines, cela veut dire qu’il préfère que « les violeurs courent toujours » ? Croyez-vous que de ne pas disposer d'une définition délictueuse de la « secte » cela signifie que l’état laisse la sécurité des citoyens partir à vau l’eau ? L’exemple du terrorisme islamiste est révélateur. Non qu’il faille se désintéresser du terrorisme islamiste parce qu’il possède disons une dimension « religieuse », mais le mouvement contraire est tout aussi absurde (je me réfère à la définition de ce mot que vous donnez), en ce sens qu'il n’est pas non plus nécessaire d’en faire l’objet d’une attention particulière sous prétexte qu’il se revendique de la « religion » ou de l’islam. Qu’on fasse des lois pour enrailler le terrorisme, les associations de malfaiteurs ou le grand banditisme oui, mais qu’on en fasse pour s’occuper prioritairement du terrorisme islamiste, là il y a quelque chose que je ne comprends pas, comme si le terrorisme basque, parce qu’il serait plus politique que religieux, serait moins condamnable. En fait, en écoutant certains, c’est comme s’ils avaient découvert le terrorisme avec Al-Quaida. Et en écoutant d’autres, c’est comme s’ils avaient découvert l’abus de faiblesse et l’escroquerie avec les « sectes », et la scientologie en particulier. Et là j’en reviens encore à votre expression « sortir du religieux », et à ma question « l’Etat doit-il entrer dans le religieux » ? Il me semble que l’Etat français a la fâcheuse tendance d’essentialiser le fait religieux. Et je ne parle pas que lorsqu’il s’agit de « sectes », mais de l’expression religieuse en général, la loi sur le port des signes religieux à l’école (l’affaire des foulards pourrait-on dire) en a été l’une des démonstrations les plus criantes. Encore une fois, lorsque l’on écoute les associations anti-sectes, celles par lesquelles l’opinion en est venue à considérer que le législateur doit empoigner le problème des « sectes », l’on a l’impression que le 20ème siècle a été le berceau d’une menace nouvelle, inconnue jusqu’alors. Dispose-t-on par exemple d’une étude sérieuse qui mette à jour l’existence d’une menace spécifique, particulière, par ses effets, ses mécanismes et son ampleur, du côté de ce que l’on appelle vulgairement les "sectes" ? Un sociologue (encore un !) affirme qu’en termes d’impact sur la société, en termes d’impact sociologique, autrement dit au niveau du quotidien de la vie des français, le « problème des sectes » est quantité négligeable, c’est zéro dit-il. Que l’état se préoccupe de manière spécifique d’un problème comme le chômage tout le monde ne peut que s’en féliciter, car tout le monde, ou presque, a été confronté, directement ou indirectement, à une situation de chômage, de « mal-emploi, etc. Mais en connaissez-vous beaucoup qui aient des problèmes concrets avec les « sectes » ? A moins qu’on soit capable d’expliquer, et de démontrer, en quoi, en termes de délits, le 20ème siècle religieux se distingue-t-il fondamentalement de ses prédécesseurs et des autres sphères de l’activité humaine.
By Anonyme, at 6:27 AM
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