Chroniques trantoriennes

30 octobre 2006

Les malheurs de Sofia

Bon, il va falloir que j'arrête de parler des sornettes débitées par les filles et fils à papa (ou maman). Ou alors leur consacrer un blog. Et Dieu sait qu'il y a matière à le faire.


Mais là, vraiment, on atteint des sommets dans la bêtise. Notre enfant gâté de la semaine s'appelle Sofia Coppola. Son dernier film, qu'elle a écrit et réalisé, Marie-Antoinette, est sorti il y a peu sur les écrans. Après un accueil houleux à Cannes et une critique plus que divisée aujourd'hui, notre princesse Siddharta ne s'en répand pas moins dans les journaux en déclarations lénifiantes.

La dernière ? Elle vient d'affirmer qu'elle ne pourrait jamais laisser quelqu'un d'autre réaliser l'un de ses scénarios, expliquant :
J'aurais peur qu'il ne réussisse pas à lui rendre justice.

Pauvre, pauvre petite fille riche ! La vie n'a pas été tendre avec elle.
Petite-fille de Carmine Coppola, compositeur de musiques de films, fille de Francis Ford Coppola, auteur-réalisateur talentueux. A vingt-huit ans, elle se retrouve à la barre d'un premier long-métrage, Virgin Suicides. Quand on sait que le producteur dudit film est son pôpa chéri, on s'imagine le calvaire que ça a été pour elle de monter le projet et d'embaucher Kathleen Turner, Scott Glenn et Danny de Vito. Mais déjà Sofia perçait sous Coppola. Car le titre original complet du film est Sofia Coppola's Virgin Suicides. La modestie incarnée…

Le plus dur pour la fille Coppola, pour écrire et réaliser un film ? Euh… Imaginer une bonne histoire ? Non, vous n'y êtes pas. Pour ça, c'est facile. Il suffit de prendre un roman tragique contemporain, Virgin Suicides de Jeffrey Eugenides, et d'en faire une adaptation. Et le tour est joué. Parce que, évidemment, comme chacun sait, c'est facile d'adapter un livre, yaka filmer ce que dit le texte. Ben voyons !

Résultat des courses : le film n'est pas déplaisant – faut quand même lui rendre justice –, mais le bouquin y est quand même pour beaucoup. Et le film porte les stigmates d'une réalisatrice débutante :
- le rythme lancinant du film est voulu, mais le montage n'est clairement pas assez serré;
- la direction d'acteurs laisse franchement à désirer;
- la voix off est omniprésente. Et ça, quand on ne sait pas la maîtriser, ça plombe rapidement un film. Tout le monde n'a pas le talent de David Fincher et de son scénariste Jim Uhls lorsqu'ils convertissent brillamment la narration de Chuck Palahniuk dans l'adaptation cinématographique de Fight Club ;
- les flashbacks sont un piège dans lequel il ne faut pas tomber. Raté, Sofia, t'as mis le pied dedans !

Mais bon, c'est pas grave, Miss Sofia a fait son long-métrage et il est forcément super-réussi. Merci encore les critiques, pour votre dégoulinante hypocrisie.

On ne va donc pas s'arrêter là et la belle poursuit avec un second long-métrage que tout le monde a trouvé (forcément !) excellent : Lost in Translation. À l'arrivée, même constat : pas foncièrement mauvais mais bon, ça casse vraiment pas trois pattes à un canard. Et quand on en est rendu à dire d'un film qu'il est très bien interprété, c'est qu'il n'y a pas grand-chose à en dire d'autre…

Mais c'est toujours pas grave : same player shoot again. Un troisième long-métrage : Marie-Antoinette. Mais là, la fifille sort du registre consensuel du road-movie triste et elle se prend une claque. Comme si une partie de la critique avait enfin vu (ou oser dire) que, de talent chez Sofia Coppola, il n'y en a point.

C'est encore pas grave, la jeune maman nous pondra un quatrième film dans pas longtemps. Mais bien sûr, que Sofia Coppola puisse continuer à sortir des machins cinématographiques, ça n'a rien à voir avec la personnalité de son papa.

Tout ça pour en revenir à sa fameuse récente déclaration dans laquelle elle expliquait sans rire, qu'elle ne pourrait jamais laisser un autre réalisateur toucher à un de ses scénarios, parce qu'il n'en serait pas digne. Son deuxième prénom n'est certes pas Modestie, mais elle porte surtout mal son premier prénom.

Vous vous souvenez de Spike Jonze ? En 1999 et 2002, il réalise ses deux premiers longs-métrages (Dans la peau de John Malkovich et Adaptation). Depuis cette date,
sa carrière cinématographique est au point mort (il est en train de tourner un film qui sortira - peut-être - en 2008 !). Pourquoi cette période de galère après une percée aussi notable dans le panier de crabe hollywoodien ? Tiens, c'est bizarre : entre 1999 et 2003, Spike Jonze avait pour beau-papa un certain... Francis Ford Coppola. Et sa femme était... Oui oui, c'était bien elle. Mais depuis que Jonze a divorcé de la petite princesse italo-américaine, calme plat. Y aurait-il un rapport de cause à effet ? Non, impossible, les gens ne sont pas comme ça…

Sofia, elle s'en fout. Elle ne voit rien de tout ça. Dans sa tour d'ivoire, elle observe le monde à travers le prisme déformant de sa famille dorée sur tranche. Tu parles, Sofia ! Tu peux te permettre, toi, d'écrire des daubes et de les réaliser toi-même ! Y aura toujours papa derrière. Mais t'as pensé aux scénaristes et aux réalisateurs de talent qui galèrent depuis des années et qui ne percent pas dans ce métier parce que leur bonne fée maternelle ou paternelle ne s'est pas penchée sur leur berceau ?

Marie-Antoinette n'a rien vu venir et ne comprend rien au tumulte qui secoue la France en 1789. En 2006, Sofia Coppola, elle, ignore tout des affres de son métier et balance aux journalistes des phrases d'enfant gâtée. Elle pourrait aussi bien leur dire : «Marie-Antoinette, c'est moi

Libellés : ,


Lisez la suite...

27 octobre 2006

"Nation souveraine" n'est pas un pléonasme !

Dans la série « Mon papa, il a dit ça, donc c'est vrai…», Justin Trudeau vient de nous en sortir une bien bonne, en ramenant sa fraise dans le débat qui divise actuellement le Parti Libéral du Canada.

Le fils de l'ancien Premier Ministre fédéral Pierre-Elliott Trudeau a en effet déclaré que la reconnaissance du Québec comme nation constitue une idée dépassée « qui date du XIXe siècle ». Pour lui, reconnaître dans la Constitution canadienne que le Québec forme une nation va à l'encontre de l'héritage politique de son père, qui a dirigé le pays de 1968 à 1979 et de 1980 à 1984.

On a envie de lui dire : arrête un peu de psalmodier feu ton papa et pense un peu par toi-même.

Je ne suis certes pas un expert en la matière, mais il y a quand même des évidences qu'il est bon de rappeler.

Ainsi, la question n'est pas de savoir si le Québec doit être reconnu comme formant une nation. Mais plutôt de savoir si le Québec constitue une nation. Pour répondre à cette interrogation, le plus simple est encore de faire ce que certaines parties à ce débat semblent avoir négligé : ouvrir un dictionnaire.

Le grand dictionnaire de l'Office québécois de la langue française définit la nation (dans son acception politique) comme :
Un groupement humain important établi généralement sur un même territoire, partageant un sentiment d'appartenance, de même que des liens historiques, linguistiques, culturels ou religieux plus ou moins communs.

Cette définition appelle deux commentaires :

1- Une nation est un groupement humain établi sur un même territoire, mais n'est pas un territoire. Autrement dit, le Québec n'est pas une nation.

MAIS :

2-sur le territoire de la province du Québec, il existe une nation québécoise, largement majoritaire.

La nuance est d'importance. Et en s'obstinant à ne pas la faire, on risque de voir se multiplier les Jan Wong(1) en herbe !

Il convient donc de recentrer durablement le débat sur la nation québécoise au sein du Québec , et non sur le Québec en tant que nation. Mais une fois cela rappelé, une chose est certaine : le problème est plus que jamais d'actualité. Y voir une question dépassée depuis deux siècles relève d'un regrettable aveuglement révérenciel d'un fils pour son père.

Car la nation est un fait, pas un droit octroyé par les autorités. Et quoi que l'on puisse en dire, la nation québécoise existe.

Mais le reconnaître officiellement (ou plutôt l'entériner) ne signifie absolument pas que l'on fasse le lit du séparatisme. Car il ne faut pas tout confondre : le nationalisme n'est pas le souverainisme.
À l'exception de quelques rares États (notamment la France), le vocable de nation souveraine n'est pas un pléonasme.

Prenons deux exemples :

- La Belgique est un État qui abrite deux Nations : la nation wallonne et la nation flamande. Ça fait des décennies que ça dure et la partition de l'État n'est toujours pas à l'ordre du jour. Et le pays n'en est pas pour autant à feu et à sang.

- de 1949 à 1990, on comptait deux États allemands, la RFA et la RDA. Mais il n'existait qu'une seule nation allemande : et on ne peut pas dire que, à l'époque, l'unité nationale fût facile à vivre…

David Peterson l'a bien compris. Lui, l'ancien premier ministre de l'Ontario (oui vous avez bien lu, l'Ontario), déclare :
Cette reconnaissance est la seule façon de souder le pays ensemble. Cela va affaiblir le séparatisme, cela ne va pas l'alimenter. Il faut la faire, sans quoi nous risquons de perdre le Québec.

Car le nationalisme n'est pas un obstacle à l'unité du Canada. Si l'on se réfère à la définition citée plus haut, on se rend compte à l'évidence qu'il existe plusieurs nations au Canada. Simplement, le sentiment d'appartenance est à chaque fois d'un ordre différent, de même pour la nature des liens entre les membres d'une même nation.

- les Premières Nations : appartenance à une société ancestrale / liens historiques, culturels, linguistiques et religieux ;
- la nation québécoise : appartenance socio-politique / liens historiques, culturels et linguistiques ;
- la nation canadienne : appartenance politique / liens historiques et culturels.

Et c'est ce que Ghislain Picard, le président pour le Québec de l'assemblée des Premières Nations, voulait dire lorsqu'il déclarait récemment :
Je ne suis pas Canadien, je ne suis pas Québécois, je suis Innu.

Il signifiait par là qu'il n'appartient pas à la nation canadienne, ni à la nation québécoise, mais seulement à la nation innue. Qui oserait le lui reprocher, alors que c'est une évidence ?

De la même façon, un anglophone du Québec peut légitimement ne pas se sentir membre de la nation québécoise. Mais il n'éprouvera pas pour autant le besoin impérieux de s'enfuir en Ontario. Et éventuellement de crier haut et fort que tout ça, c'est la faute à la loi 101…
__________________________________

(1) Jan Wong est une journaliste canadienne née à Montréal, de parents d'origine asiatique. Après avoir quitté le Québec pour l'Ontario, elle est devenue chroniqueuse au quotidien torontois Globe and Mail. Au lendemain de la récente tuerie du Collège Dawson à Montréal, elle a signé un éditorial dans lequel elle affirme que ce drame et deux autres tueries similaires survenues à Montréal en 1989 et 1992 s'expliquent par l'ethnocentrisme du Québec qui privilégie le québécois pure laine au détriment des minorités. Selon Jan Wong, cette intolérance a été confortée depuis 1977 par l'adoption de la loi 101, loi-cadre qui visait à faire du français la langue normale et habituelle de la Province. Cet article acrimonieux a valu (à juste titre!) à son auteur une volée de bois vert de la part des politiques et des médias du Québec, mais aussi dans le reste du Canada.

Libellés : , ,


Lisez la suite...

15 octobre 2006

"La Doublure" : Francis Veber fait encore (et toujours) la différence.

Dans mon précédent message, j'ai dressé un portrait peu reluisant d'un certain cinéma français, celui de la facilité et de l'autosatisfaction, en prenant pour boucs émissaires Danièle Thompson et son fils Christopher, respectivement l'auteure-réalisatrice et le co-scénariste de Fauteuils d'orchestre.

Intéressons-nous cette fois à un autre cinéma français, celui qui, contre vents et marées, continue d'afficher une qualité aussi régulière qu'un métronome. Le coupable de cette singulière récurrence n'est autre que Francis Veber. Son dernier film, La doublure, nous donne l'occasion de dire tout le bien que l'on pense du bonhomme.

Là où Danièle Thompson tire sur la corde pour donner à ses films un brin de légèreté, Francis Veber nous offre la plupart du temps des comédies faussement simples et naïves. Ses films sont d'une facture classique mais d'une rigueur impressionnante. Voyez La doublure : en 1 heure 20, montre en main, le film est bouclé, avec ce sens du rythme qui caractérise Veber.

L'homme a beau se considérer comme un auteur qui met en scène (et non comme un réalisateur qui écrit ses scénarios), il faut bien se rendre à l'évidence : à la réalisation, il n'est jamais mieux servi que par lui-même. À l'exception notable de son scénario pour Coup de tête, un des chefs-d'œuvre de Jean-Jacques Annaud. Le style d'écriture de Veber nécessite un traitement simple et efficace. Pas de fioriture de mise en scène mais du rythme, du rythme, du rythme.

Cette abnégation du réalisateur au service du scénario est louable. Toutefois, il faut reconnaître une autre grande force au Veber-metteur en scène : sa direction d'acteurs.

Une anecdote sur le tournage du Placard est assez révélatrice. Jean Rochefort (himself) avait décidé de jouer une scène à sa façon : du Rochefort pur style, solide, passe-partout. Et Veber lui tint tête pour lui faire jouer la scène de manière radicalement différente. Il fallait oser se mettre à dos la légende moustachue. Mais à l'arrivée, le réalisateur nous prouve qu'il avait mille fois raison.

Dans La doublure, la direction d'acteurs est une nouvelle fois remarquable. Gad Elmaleh est plus que crédible en Pignon, ce qui n'était pas gagné d'avance. Dany Boon parvient à plusieurs reprises à ne pas faire du… Dany Boon. Pour sa part, Richard Berry n'a peut-être jamais été meilleur. Quant à Daniel Auteuil, le voir réussir le grand écart, après son rôle de Pignon dans Le placardest particulièrement réjouissant. Même Michel Jonasz est bon (c'est dire !). Et on ne parlera pas de Michel Aumont…

Car Veber ne délaisse jamais les personnages secondaires. Le soin qu'il leur apporte, aussi bien à l'écriture que sur le tournage donne à ses films une cohérence qui fait plaisir à voir et qui devrait filer des complexes à pas mal de ses collègues.

Seul point un peu dérangeant, à mon sens : les décors des derniers films de Veber ressemblent beaucoup trop à des décors. Faut-il y voir un fait-exprès, une façon pour le cinéaste de faire ressortir son expérience du théâtre ? Possible, mais peu probable : rendre voyant cet artifice n'est vraiment pas nécessaire. De plus, Veber a le bon goût de tout mettre au service de son sujet ; je le vois mal faire des concessions sur les décors.

En conclusion, il faut continuer à aller voir les films de Francis Veber et à célébrer l'un des plus grands auteurs du cinéma français.

Libellés : ,


Lisez la suite...

07 octobre 2006

À propos de "Fauteuils d'orchestre" - Le cinéma français dans la fosse ?

Le dernier film de Danièle Thompson est à l'image d'un cinéma d'auteur français qui n'en finit pas de s'enliser dans la facilité et l'autosatisfaction.

Première, Studio Magazine, Positif et même Le Monde ont aimé, alors... Qui sommes-nous pour oser remettre en cause ces appréciations qui laissent pantois :
Avec du talent (Danièle Thompson en a) et de bons comédiens (voyez l'affiche), on réussit forcément à faire rire, émouvoir, comme c'était le but. (Le Monde)

Ben non, justement... Du talent, Danièle Thompson en a... comme dialoguiste. Ça c'est indéniable. Mais (attention : hérésie !) comme scénariste, non. Et comme réalisatrice, cent fois non.
Thompson sait diriger ses acteurs, tous excellents et surtout maîtrise le rythme de sa fiction. (Positif)

C'est une plaisanterie ? Dupontel n'est pas bon, Brasseur n'est pas bon, Laura Morante est transparente. Les seuls qui s'en sortent sont Valérie Lemercier (qui fait du Valérie Lemercier) et François Rollin (qui fait du... François Rollin). Si ça c'est une bonne direction d'acteurs, je crois qu'il faut sérieusement songer à redéfinir le concept ! La direction d'acteurs de Danièle Thompson était déjà gravement déficiente dans La Bûche. Et si Jean Réno et Juliette Binoche s'en sortaient mieux dans Décalage horaire, c'est parce que l'exercice de la comédie romantique est largement balisé et que les acteurs étaient moins en roue libre.

Fauteuils d'orchestre est un film choral. Si vous ne le saviez pas, c'est que vous n'en avez lu aucune critique car le vocable nous a été servi jusqu'à l'écoeurement par la presse cinéma. Comme si, en balançant ça, tout était dit. Un film choral, ça sonne bien (si j'ose dire) et ça fait sérieux. En plus, c'est un film français. Donc, en achetant votre ticket, M'sieu-Dame, vous aurez deux qualités pour le prix d'une. Ah c'est pas les Américains qui sauraient faire ça ! Des beaux films d'auteur bien de chez nous ! On est les meilleurs du monde dans ce domaine, c'est bien connu.

Ouais. Ben retournez donc voir Grand Canyon de Lawrence Kasdan et Magnolia de PT Anderson, et vous me direz après si les Américains sont des ânes en matière de film choral.

En face, qu'est-ce que la France nous assène comme films-choraux-emblématiques-que-la-galaxie-nous-envie : Fauteuils d'orchestre, Chacun cherche son chat, Ceux qui m'aiment prendront le train (Ah Chéreau... Ne me lancez pas sur Chéreau par pitié). Ah ! En l'écrivant, ça m'est revenu subitement : ce dernier film a été co-écrit par... Danièle Thompson !

Autre remarque amusante : l'idée originale de ce film de Chéreau viendrait officiellement de ladite Danièle. Mais pour qui a vu Les Copains d'abord, autre film choral américain du susmentionné Lawrence Kasdan, elle n'est peut-être pas allée chercher l'idée bien loin.

Bien sûr, tout le monde a oublié qu'en matière de film choral, le cinéma français avait quand même des étalons d'un autre calibre : L'Argent de poche et La Nuit américaine de Truffaut. Ou encore le prodigieux L'amoureuse de Jacques Doillon qui, au dernier moment, n'a même pas trouvé de distributeur et a été projeté uniquement... à la télévision !

Oui mais là, me rétorquerez-vous, on parle d'un temps où les films comportaient un... Ah comment ça s'appelle ce machin, là ? Ah oui, un scénario. Mais c'est complètement has been, le bon scénario. Non, comme nous le montre parfaitement Danièle Thompson, aujourd'hui, pour réussir un film, il faut trois choses : un bon casting, un bon casting et un bon casting. Et oui ! On peut ainsi donner l'illusion de maîtriser les acteurs.

C'est ridicule. Et les trois films de Thompson en tant que réalisatrice en sont de parfaits exemples. Au jeu du monologue face caméra de chaque personnage dans La Bûche, seule Françoise Fabian tirait son épingle du jeu. Une réalisatrice pas fichue de tirer une émotion de Sabine Azéma et Claude Rich (je passe sur les fils et filles à papa du casting, j'y reviens plus loin), il faut le faire.

Mais le public marche ! Il suffit de lire les critiques des spectateurs de Fauteuils d'orchestre sur Allocine.com : selon eux, les acteurs sont tous excellents (alors que c'est faux, mais peu importe : il suffit de voir un acteur connu sur un écran pour le trouver formidable...). Les acteurs sont formidables, donc le film est réussi. OK, parfait, changez rien surtout. Trois-quatre boules de natphtaline et on referme l'armoire.

Mais la contemplation de nombril étant la discipline préférée du landerneau cinématographique français, on n'allait pas s'arrêter là. Comme le film est une telle réussite, ben on a qu'à le proposer à la course aux Oscars 2007 ! Ben tiens. Aussitôt dit, aussitôt fait. Et en route pour un nouveau rateau français devant les caméras du monde entier en février prochain !

Il ne s'agit pas de savoir si le film est bon ou mauvais. À part quelques dialogues et le numéro de Lemercier, le film est raté. Ce n'est pas insupportable à regarder, mais on a quand même la très nette impression de perdre son temps.

Non, la vraie question est la suivante : pourquoi, avec une telle filmographie en tant que metteur en scène, Danièle Thompson peut-elle encore trouver des financements pour tourner des films du même tonneau ?

La réponse est à rechercher dans la grosse hypocrisie sur laquelle repose le système du cinéma français et dont les deux mamelles sont le népotisme et la préférence dynastique.

Qui est Danièle Thompson ? Avant d'être la réalisatrice-scénariste-dialoguiste, c'est la fille de Gérard Oury et de Michelle Morgan, deux icônes du cinéma français. Soit dit en passant, Oury a ce statut parce qu'il a connu de gros succès publics basés sur des acteurs très populaires comme Bourvil ou de Funès. Et Michelle Morgan, c'est celle qui a « de beaux yeux, tu sais »

Pour le Français moyen, le cerveau formaté par Paris-Match et Point de vue-Images du monde, la fifille des deux vedettes est nécessairement super-douée pour le cinéma. C'est bien connu, ça se transmet via les chromosomes. On n'a pas encore identifié le gène, mais ça ne saurait tarder...

Ne me faites pas dire que tous les fils ou filles de... sont forcément mauvais. Non, on ne peut pas aller contre les statistiques. Mais pour un Vincent Cassel, combien de Alexandre Brasseur, de Thomas Langmann, de Laura Smet ou de Chiara Mastroianni ?

Et bien sûr, à en croire les illustres parents, ils ont toujours découragé leur progéniture de suivre leurs traces ! Et bien sûr, ils ne les ont jamais pistonnés pour réussir un casting. Tu parles ! Quand le fils d'Untel postule à un rôle dans le film de Machin, ledit Machin se souvient qu'il a lui-même une fille qui pourrait un jour avoir envie de jouer la comédie. Et qui sait, elle pourrait avoir besoin de Untel pour débuter. Qui oserait soutenir que ce genre de considérations n'entre pas en ligne de compte ?

Dans le cas contraire, il va falloir m'expliquer ce qu'on trouve à Emmanuelle Béart, à part sa plastique (je n'ai pas dit «collagène» !).

Pour réussir dans le cinéma quand on n'a pas de la famille dans le métier, c'est bien connu, il faut avoir 20 fois plus de talent qu'un fils à papa. Mais si un fils à papa ne réussit pas dans ce métier, c'est aussi par ce qu'il a 20 fois moins de talent qu'un fils à papa standard.

Cela nous amène à Christopher Thompson, fils de Danièle Thompson et acteur dans deux et co-scénariste dans trois films réalisés par sa mère. En ce qui concerne son jeu d'acteur, bon ça c'est facile, y a qu'à regarder pour s'apercevoir que ce n'est pas le nouveau Patrick Dewaere.

Pour le reste... Scénariste très cotée (et très surfaite), Danièle Thompson se fait aider de son fiston pour écrire trois films qui, on en est certain, ne figureront pas au panthéon du cinéma français du XXIème siècle, très loin s'en faut. Alors que penser des talents intrinsèques de scénariste de Christopher Thompson ? Mais on ne va pas s'embêter pour si peu. Allez Christopher, tu vas la décrocher sous peu ta casquette de réalisateur de cinéma. Et je vais même te faire une autre prédiction : ton premier film sera produit par ta môman. Le talent, c'est héréditaire on vous dit !

Combien de temps allons-nous nous priver de l'émergence de nouveaux talents et laisser les fils à papa et/ou maman ronronner et se remplir les poches ?

Libellés : ,


Lisez la suite...

06 octobre 2006

Six Feet Under - Un dernier épisode sidérant

Je viens de terminer le visionnage de l'intégralité de la série Six Feet Under. Et tout ce qu'on peut dire, c'est que son créateur, Alan Ball, nous avait réservé une sacrée surprise.

En 2001, nous avions tous été soufflés par la première saison : son ambiance glauque, son humour noir l'avaient vite signalée aux aficionados de séries TV.

Mais l'effet de surprise passé, même si le niveau général de la série demeurait excellent, les saisons 2, 3 et 4 n'avaient jamais vraiment atteint les sommets des premiers épisodes. Il manquait peut-être cette petite étincelle que Alan Ball avait allumé et su maintenir durant une qunizaine d'épisodes.

Au départ, la 5ème saison est du même tonneau : toujours du haut de gamme, mais on regrette un peu que le créateur de la série ait apparemment peu à peu lâché les rênes de l'entreprise. Et effectivement, ce n'était qu'une apparence.

Car cette dernière douzaine d'épisodes réserve quelques moments particulièrement forts. Le plus notable est évidemment la mort de Nate. Ce choix scénaristique particulièrement gonflé, trois épisodes avant la fin, décontenance totalement. Et dans l'épisode suivant, qui relate son enterrement, le malaise nous submerge rapidement et ne nous quitte pas tout au long de ses 52 minutes : époustoufflant, hyperréaliste, il annonce la puissance émotionnelle de la toute fin de la série et nous indique implicitement où les auteurs veulent nous entraîner.

Le dernier épisode est écrit et réalisé par Alan Ball, le créateur de la série himself, que l'on ne voyait plus figurer au générique à ces postes stratégiques depuis belle lurette. On aurait dû se douter de quelque chose...

Ce chapitre constitue le climax de cinq années passées avec les Fisher. L'histoire de cette famille qui sort enfin du purgatoire grâce au décès du fils aîné relève évidemment de l'évocation christique, mais le ton général de la série et ses personnages, plus névrosés les uns que les autres, lui confèrent une profondeur dramatique.

Le nouvel ordre qui jaillit après le chaos chez les Fisher fait vraiment plaisir à voir. Mais le meilleur est encore à venir : les 5 dernières minutes de la série sont une merveille télévisuelle absolue. Elle nous rappelle brusquement que le créateur de Six Feet Under, auteur intégral de ce dernier chapitre, est aussi le scénariste du film American Beauty, chef d'oeuvre du cinéma intimiste américain contemporain.

Dans cette séquence finale d'anthologie, la plus jeune de la famille, Claire, s'éloigne de L.A. au volant de sa voiture, sur l'autoroute qui la mènera à New York. Ce voyage vers sa nouvelle vie est entrecoupé d'instants volés au futur des membres de la famille. Que cette plongée dans l'avenir soit réelle, ou bien fantasmée par Claire, peu nous importe. L'émotion jaillit à chaque plan. C'est un feu d'artifice qui jette un court éclairage sur les grands moments à venir et la mort de chacun des personnages principaux. C'est terrible et beau. Ramassées en une poignée de secondes, ce sont la vie et la mort d'une famille pas assez fictive pour ne pas être un peu la nôtre.

Le périple autoroutier de Claire est filmé en accéléré. Ce détail m'évoque une (très courte) nouvelle de Kafka, intitulée Le plus proche village :
Mon grand-père avait coutume de dire : « La vie est étonnamment brève. Dans mon souvenir, elle se ramasse aujourd'hui sur elle-même si serrée que je comprends à peine qu'un jeune homme puisse se décider à partir à cheval pour le plus proche village sans craindre que - tout accident écarté - une existence ordinaire et se déroulant sans heurts ne suffise pas, de bien loin, même pour cette promenade.»

Aucun doute possible : Alan Ball nous a offert l'une des plus belles catharsis de l'histoire de la télévision.

Libellés : , ,


Lisez la suite...