Chroniques trantoriennes

25 décembre 2006

Jean-Pierre Brard, ou l'art de marcher sur la tête

Avec Jean-Pierre Brard, plus ça va, moins ça va.

Sur le papier, le député-maire (apparenté communiste) de Montreuil est un spécialiste de la question sectaire.

Vice-président de la commission d'enquête sur les sectes à l'Assemblée nationale (1995), il fut également le principal rédacteur du rapport parlementaire Les sectes et l'argent (1999). Secrétaire de la commission parlementaire consacré aux enfants dans les sectes (2006), il est actuellement vice-président du groupe d'études sur les sectes à l'Assemblée nationale.

Mais en pratique, cet élogieux CV part en quenouille au gré des récurrentes tribunes médiatiques dont dispose M. Brard. L'homme est en effet coutumier des inepties juridiques et factuelles en la matière.

Par compassion, je me limiterai à la plus caractéristique d'entre elles. Ainsi, en juillet 1997, la Cour d'appel de Lyon reconnaissait à la Scientologie le droit de se prévaloir du titre de religion. Le dépité Brard avait ainsi commenté l'arrêt :
On pouvait attendre d'une cour de justice qu'elle protège la liberté des citoyens. Or c'est tout le contraire. (...) Cette décision prouve, une fois de plus, que l'Église de Scientologie dispose d'un véritable pouvoir dans les milieux économiques, politiques, administratifs, et, on le voit aujourd'hui, dans les milieux judiciaires.
Libération, 29 Juillet 1997,
propos recueillis par M.P. et F.W.-D. (avec AFP)

Bref, selon le député, le strict respect du principe constitutionnel de liberté religieuse était attentatoire aux libertés des citoyens. Et le parlementaire de tenter d'appuyer sa position en recourant à la théorie du complot…

La Cour de cassation eut à trancher dans cette affaire, notamment afin de dire le droit en dernier ressort quant à l'opportunité de définir la religion dans une décision pénale. Toutefois, la haute juridiction confirma en intégralité l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon. Et, à des fins d'apaisement, elle qualifia l'attendu controversé de « surabondant, dépourvu en l'espèce de toute portée juridique » (Cour de cassation, (chambre criminelle), 30 juin 1999). La presse et la classe politique dans leur ensemble y virent un camouflet pour les juges lyonnais. Il n'en était rien : le terme surabondant signifie superflu. Et si cet attendu n'a pas de portée juridique en la matière, c'est parce qu'il intervient dans une décision en matière pénale et non en droit public.

Il faut reconnaître à M. Brard une qualité : sa constance. Il est en effet l'un des rares parlementaires à évoquer continuellement le problème sectaire dans la presse. Mais il y a façon et façon de le faire. Et la sienne l'apparente aujourd'hui à Don Quichotte. Car M. Brard conserve du phénomène sectaire une approche gravement déficiente. Mais fort de cette qualité de "spécialiste", il peut tout à loisir véhiculer à travers la presse des idées fausses qui, à force d'être ressassées, deviennent des vérités officielles que l'on n'a plus le droit de transgresser sans passer pour un ahuri. La loi du 12 juin 2001, la liste noire du rapport de 1996,... J'en passe et des meilleures.

Mais cette fois, Jean-Pierre Brard dépasse les bornes. Son dernier communiqué de presse, au lendemain de la relaxe de Michel Tabachnik dans l'affaire OTS, laisse tout simplement pantois :
Quant aux circonstances du massacre du Vercors, elles ne sont pas davantage éclaircies à l'issue de ce procès. Les expertises effectuées sur les corps de l'épouse et de l'un des fils de l'ex-champion de ski Jean Vuarnet confirment la présence de doses élevées de phosphore et laissent donc supposer l'action de personnes extérieures au groupe des victimes.

Comme le demandent les familles, il faut rouvrir l'enquête et désigner un nouveau juge d'instruction. Des moyens plus importants doivent être alloués aux investigateurs, notamment pour explorer les volets financiers et mafieux de l'OTS.

Cette décision de justice ne clôt pas le dossier OTS. Elle ne fait qu'alourdir le sentiment d'opacité et d'impunité qui règne dans cette affaire.

Il faut saluer la démarche de Jean-Pierre Brard. Par ce simple communiqué, le député réussit l'exploit de :
  1. flinguer en plein vol les efforts des (vrais) spécialistes des sectes en général et de l'OTS en particulier,
  2. encourager les familles de victimes du massacre du Vercors à ne pas faire leur deuil ;
  3. abonder dans le sens des personnalités pro-sectes.

En effet, sous prétexte qu'il est un député de gauche, Brard saute sur le procès Tabachnik pour attaquer la droite en laissant entendre que le gouvernement a une nouvelle fois tenté d'enterrer le dossier du Temple Solaire, par le biais d'un « réquisitoire de l'avocat général, aussi irrésolu et imprécis qu'étrange ».

Le député se fait ainsi le chantre officiel de la théorie conspirationniste de l'assassinat politico-mafieux. Il redonne la parole aux plus incompétents "spécialistes" auto-proclamés de l'OTS. Rebondissant sur une tristement célèbre "expertise" (qui, soit dit en passant, n'était pas l'oeuvre d'un expert commis dans cette affaire !), M. Brard accrédite la thèse rocambolesque selon laquelle les doses de phosphore mesurées sur les lieux du drame ne peuvent s'expliquer que par l'intervention d'un commando d'assassins extérieur au groupe d'adeptes.

On poufferait de rire si l'on ne parlait pas de la mort de 16 personnes, dont des enfants. Car M. Brard est tombé dans le panneau qu'ont tendu certains avocats, spécialisés dans la transmutation de la famille éplorée en partie civile revancharde.

Psychologiquement, on peut expliquer en un mot pourquoi les familles de victimes ont donné tête première dans le piège : auto-persuasion. Elles ont en effet cotoyé les adeptes durant des années sans s'apercevoir de la profondeur de leur endoctrinement. Et lorsque le drame est survenu, elles ont eu le choix entre :

  • reconnaître qu'elles ont totalement manqué de discernement, qu'elles n'ont rien vu de la modification de la personnalité de leurs proches ; et donc que, par leur inaction, elles sont en partie responsables de ces morts tragiques ;
OU
  • se persuader que jamais ces êtres chers (qu'elles connaissaient forcément très bien) n'en seraient venus à de telles extrémités ; donc, ces morts sont forcément le fait de personnes étrangères au groupe.

Notre député pourfendeur de sectes ne s'est apparemment pas rendu compte que, dans son dernier communiqué, il sciait la branche sur laquelle il était assis : en demandant à la justice de rouvrir le dossier du massacre du Vercors, M. Brard déclare explicitement qu'il ne croit pas à l'assassinat-suicide collectif des adeptes de l'OTS. Pour lui, une secte ne peut pas dégénérer à ce point sans l'intervention de tiers mal intentionnés.

Donc, les sectes ne sont pas aussi dangereuses que l'on veut bien le dire. Mais dans ce cas, à quoi sert votre sacerdoce anti-sectes, M. Brard ? Vous rendez-vous bien compte que vous apportez ainsi de l'eau au moulin de ces universitaires négationnistes pour qui les sectes nocives n'existent pas ?

On peut légitimement se demander comment on peut se prétendre spécialiste de la question sectaire et se répandre en pareils commentaires. En fait, la réponse est simplissime. Il suffit de constater que, dans le cadre de ses attributions de parlementaire, M. Brard est actuellement :

  • Secrétaire et rapporteur spécial de la commission des finances de l'Assemblée
  • membre de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
  • Vice-Président du groupe d'études sur la modernisation de la vie politique française
  • Vice-Président du groupe d'études sur les sectes
  • Membre des groupes d'études : 1- Construction et logement ;
    2- Déchets industriels, agricoles, ménagers ; 3- Eau ; 4- Énergies ; 5- Obésité ; 6- Santé et environnement ; 7- Toxicomanie
  • Président du groupe d'amitié France-Géorgie
  • Vice-président du groupe d'amitié France-Israël
  • Vice-président du groupe d'amitié France-Mali
  • Secrétaire du groupe d'amitié France-Congo
  • Membre du groupe d'amitié France-Allemagne
  • Membre du groupe d'amitié France-Japon
  • Secrétaire du groupe d'études à vocation internationale-Palestine

Tout ça en même temps, bien sûr. Alors, de deux choses l'une : soit M. Brard a trouvé un vortex espace-temps qui lui permet de faire des journées de 5638 heures, soit il brasse du vent et fait semblant de s'intéresser passionnément à chacun de ses sujets. Certes, il est clair que, médiatiquement, il a plus de poids avec les sectes qu'avec les amitiés franco-congolaises, mais force est de reconnaître que ce cumul des fonctions bat sérieusement en brèche la crédibilité de Jean-Pierre Brard en tant que spécialiste du phénomène sectaire.

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16 décembre 2006

Renaissance d'un cinéaste surfait

S'il y avait bien un réalisateur dont je n'attendais plus rien, c'était bien Woody Allen. Malgré les tentatives récurrentes de Télérama pour nous faire croire que le petit gars de Brooklyn réussit un chef d'oeuvre par an depuis 30 ans, voilà belle lurette que la sortie du Woody Allen nouveau déclenche chez moi le même intérêt que l'avènement du Beaujolais du même nom.

Il faut dire que Allen, dans son rythme effréné de tournage, a enchaîné les daubes : Meurtres mystérieux à Manhattan, Crimes et délits, Alice, Harry dans tous ses états, Broadway Danny Rose, La Rose Pourpre du Caire,...

On comprendra donc qu'au tournant du millénaire, j'avais lâché prise.

Toutefois, dernièrement, la critique était unanime pour déclarer que les deux derniers films de Allen étaient complètement différents de ces oeuvres précédentes. Alors, pourquoi ne pas retenter sa chance ? Bien m'en a pris.

Match Point (2005) et Scoop (2006) sont en effet symptomatiques d'un renouveau complet du cinéma de Woody Allen.

Londres n'y est certainement pas étranger. En situant ses films dans la perfide Albion, Allen est contraint de quitter ses atours de chroniqueur de Manhattan. Ses personnages principaux ne sont donc plus des êtres névrosés dans un quotidien sans surprise, mais au contraire des pages blanches plongées dans un univers inconnu.

On trouvera ainsi de nets points communs entre les deux films :
  • le hasard à l'oeuvre dans les rues de Londres
  • la haute bourgeoisie anglaise,
  • le manoir,
  • le coup de foudre entre bourgeois anglais et américains fauchés,
  • la salle du secret,...
Et bien d'autres que l'on n'évoquera pas pour des raisons évidentes.

Dans Scoop, on retrouve Woody Allen incarnant un personnage névrosé à l'extrême comme on l'a déjà vu 100 fois dans ses films précédents. Mais il a l'intelligence d'en faire ici un personnage secondaire, colorant un récit plus accessible et qui renoue avec une fantaisie moins artificielle. En effet, alors que le fantastique plombait (entre autres) Alice, Scoop renoue brillamment avec la fantaisie qui faisait le charme de Comédie érotique d'une nuit d'été (un des films de Allen les plus sous-estimés). Comédie policière surprenante (quoi que pas exceptionnelle), elle amorce clairement une nouvelle approche du genre, à mille lieues du Scorpion de Jade ou de Crimes mystérieux à Manhattan. Qui s'en plaindra ?

Mais le plus frappant demeure sans le moindre doute possible son film précédent. Dans Match Point, Woody Allen n'apparaît pas à l'écran et on en déduira fort justement que l'on n'est plus dans le registre comique.

Et ce n'est pas a priori dans le drame qu'il est le plus à son avantage. Allen a en effet traîné son influence bergmannienne durant trente ans sans vraiment convaincre. Au vu de Match Point, on peut affirmer qu'il s'est enfin débarrassé de la statue du Commandeur.

Quoi de plus casse-gueule pour un auteur en fin de carrière qu'un drame de l'adultère ? On sentait venir à grands galops les excès de pathos de Intérieurs ou Hannah et ses soeurs. Sans compter son inévitable train de poncifs.

Et là... miracle. Match Point n'est pas seulement le meilleur film de Woody Allen depuis Annie Hall (en 1977 !). C'est un drame poignant, un suspense psychologique insoutenable, un véritable OVNI dans la filmographie de Allen. Et il faut se pincer pour s'assurer que c'est bien son nom qui figure en tête du générique.

Le choix de l'acteur principal est prodigieux. Avec sa gueule d'ange, il est le vecteur d'un malaise insondable qui va crescendo tout au long du film. Woody Allen nous manipule magnifiquement et ce, sans jamais tricher. Il remporte la partie haut la main et amorce une sacrée remontée au classement de l'association des cinéastes professionnels.

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Découverte musicale - Mieux vaut tard que jamais.

Ma légendaire réactivité en matière d'actualité musicale a encore fait merveille. Il est vrai que je suis passé maître dans la découverte tardive de nombreux jalons musicaux. Qu'on en juge. J'ai quand même découvert :

  • Björk 8 ans après tout le monde
  • Kate Bush 13 ans après son premier album
  • le Genesis de Peter Gabriel en 1987 (12 ans après qu'il a quitté le groupe)
  • David Bowie en 1993 (soit 22 ans après Space Oddity)
  • et (record absolu) Magma en 2005 (35 ans de retard !)
Je viens toutefois de faire drastiquement baisser ma moyenne. J'ai en effet découvert hier un groupe qui a fait une remarquable entrée sur la scène rock indépendant il y a seulement 2 ans et demi...

Les responsables de ce bouleversement statistique sont Arcade Fire, et leur second album, Funeral.

Mais par quel miracle n'ai-je mis que deux ans et demi à découvrir cet album formidable ? Il y a deux jours, écoutant la radio d'une oreille distraite, j'entends :
Nouvel album... Arcade Fire... Précédent album "Funeral"... magnifique... David Bowie adore.

Alors là, je tombe en arrêt. Déjà parce qu'on ne dit pas David Bowie mais Môssieu David Bowie. Ensuite parce que si ce génie du rock s'est penché sur Arcade Fire, il y a anguille sous roche. Certes, il y a quelques années, Bowie se disait fan des Négresses Vertes, et ce n'était vraiment pas mon cas ! Mais bon, deuxième chance. Et là... Bingo !

Je pourrais vous dire que les mélodies sont excellentes, que les arrangements sont grandioses et que les musiciens sont prodigieux. Mais étant donné que je suis incapable de distinguer un d'un mi, je ne suis pas sûr que ce soit particulièrement convaincant.

Je me contenterai donc de dire que j'adore et de vous en faire écouter un extrait :


Le dernier album du groupe vient de paraître. Mais cette fois, je ne vais pas attendre.

Ultime détail : comme si ça n'était pas assez cocasse d'inventer l'eau tiède, je me suis payé le luxe de découvrir après écoute que Arcade Fire est un groupe... montréalais !

Ah, la culture musicale, pas de doute, c'est vraiment mon truc !

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11 décembre 2006

La comédie policière qu'on n'attendait plus !

J'ai enfin pu voir le plus grand succès de toute l'histoire du cinéma canadien. Et il est québécois! Oui, Monsieur...

Sorti sur les écrans en 2006, Bon Cop Bad Cop a enfin détrôné ce sous-American Grafitti qui faisait quand même un peu tâche au sommet du box-office canadien, la comédie pour ado mal dégrossi Porky's (1981). Il était temps.

Bon Cop Bad Cop raconte l'histoire de deux policiers, l'un Québécois, l'autre Ontarien, qui se rencontrent devant un cadavre tombé à cheval sur le panneau qui marque la frontière entre les deux provinces. Qui est compétent pour s'occuper de l'affaire ? Leurs chefs respectifs sont d'accord : pour faire la nique à la GRC (le FBI canadien), les deux polices provinciales décident de s'allier sur ce cas. Et les deux flics, aussi dissemblables que possible, sont contraints de faire équipe.

Bon Cop Bad Cop s'annonce donc comme une comédie policière efficace mais peu originale, sorte de ressucée canadienne de L'Arme Fatale. Qu'on en juge par la bande-annonce :

Il faut être honnête : pour qui n'est pas versé dans la civilisation canadienne contemporaine, il est assez difficile de saisir les subtilités du propos. Mais pour l'européen qui veut bien tenter de lire entre les lignes, Bon Cop Bad Cop suscitera certainement plus que de la curiosité.

Car la force de l'idée originale du comédien co-scénariste Patrick Huard, c'est d'avoir transposé la trame de son buddy movie aux deux solitudes canadiennes : Canada français vs. Canada anglais. À l'arrivée, c'est une vraie réussite.

En premier lieu, les dialogues sont excellents. Tout le monde en prend pour son grade. Surtout les Québécois, d'ailleurs ! Entre l'Ontarien très anglais et le Québécois très... américain, les phrases-culte fusent.

Les deux flics devant le cadavre sur le panneau, essayant de se refiler le bébé :
- The subject is a true Quebecer : his heart is in Quebec !
- Et il a l'Ontario dans le cul aussi...

Bouchard, découvrant une nouvelle victime du tueur, une lame de patin à glace dans le crane :
En tout cas, il a un bon coup de patin.

Le flic québécois, devisant au cellulaire [téléphone portable] avec le tueur en série, en français et en anglais :
T'as un accent dans les deux langues. C'était qui ton prof ? Jean Chrétien ?

On se souviendra notamment d'une scène hilarante, sur le parking d'un bar, où David Bouchard improvise un cours de jurons québécois devant un Martin Ward stupéfait mais flegmatique, avec comme cobaye un suspect enfermé dans un coffre de voiture. C'est digne d'un Tarantino de la plus belle eau. On en entend des vertes et des pas mûres, notamment le particulièrement vulgaire :

=> Hostie de pourisse de câlice de tabarnak ! <=

(Pour épargner les yeux d'éventuels lecteurs québécois, j'ai écrit ledit juron en blanc. Les francophones non nord-américains pourront en prendre connaissance en surlignant le texte entre les deux flèches)

Ah, ça fait fait mal ! Je vous avais prévenu...

La plupart des personnages secondaires sont tout aussi sympathiques, certains se révélant particulièrement gratinés. Un médecin légiste sérieusement allumé, un chef de police au bord de la nervous breakdown, la mascotte d'une équipe de hockey qui, devant le miroir de toilettes publiques, se rejoue De Niro dans Taxi DriverYou talkin' to me ?»). Revigorant. Seul le grand méchant de l'histoire manque d'épaisseur.

Autre originalité du scénario : l'enquête nous conduit dans les méandres du sport national canadien, le hockey sur glace.

Enfin, grosse surprise du film, le réalisateur québécois Érik Canuel fait preuve ici d'une maîtrise technique impressionnante. Filmant joliment les scènes d'action à l'américaine, cadrant les scènes de dialogues de manière plus... européenne, avec un montage plus serré, Bon Cop Bad Cop gagne ainsi en cohérence et en puissance comique.

De la bien belle ouvrage pour un film dont on n'attendait pas tant. Un Bon Cop Bad Cop 2 est très sérieusement envisagé. Et c'est tant mieux : se priver d'une nouvelle virée entre chums avec Bouchard et Ward, ç'a pas d'bon sens.

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04 décembre 2006

Alias : le bouquet final n'a pas eu lieu.

Après 5 ans de bons et loyaux services, la série Alias a baissé le rideau. La cinquième saison se caractérise par sa brièveté (17 épisodes) et une certaine baisse de régime. Il est vrai que cette ultime année au sein de l'APO (section ultra-secrète de la CIA) aura été marquée par deux perturbations majeures :

  • la présence sporadique de JJ Abrams, créateur de la série, appelé à écrire et réaliser pour le cinéma le blockbuster Mission: Impossible III (plus block que buster, d'ailleurs);

  • la grossesse de Jennifer Garner alias Sidney Bristow, LE personnage-phare de la série.

Devant la difficulté de plus en plus prégnante (jeu de mots un peu facile) de l'héroïne à asséner des high kicks, la production a eu l'idée de reporter un temps l'action sur la nouvelle recrue de l'APO, Rachel Gibson qui, comme Sidney 5 ans auparavant, est retournée par la CIA qui lui apprend qu'elle ne travaille pas pour Langley mais pour l'ennemi qu'elle croyait combattre. Approche intéressante qui sera malheureusement mise de côté une fois survenu l'accouchement de Sydney Bristow (et de Jennifer Garner par la même occasion).

Les scénaristes et producteurs donnent alors un sérieux coup d'accélérateur mais ils vont un peu confondre vitesse et précipitation. Malgré certains cliffhangers bien sympathiques, il faut bien le reconnaître, cette cinquième saison peine nous captiver totalement.


Le double-épisode qui clôt la série est trop prévisible à bien des égards, ce qui ne ressemble guère à Alias - saisons 1 à 4. C'est donc sur une légère déception que se termine l'aventure. C'est d'autant plus regrettable que les 4 années précédentes étaient véritablement exceptionnelles.

Alias, c'est l'anti-24 heures. Sur le fond, les deux séries sont tout aussi peu crédibles (c'est un euphémisme). Pourtant, à l'arrivée, d'un côté on a un Jack Bauer qui n'en finit pas de tomber dans des abîmes de ridicule, et de l'autre une Sydney Bristow d'une profondeur psychologique vertigineuse.

On préfèrera donc oublier le conformisme de Alias cuvée 2006 pour se souvenir des millésimes 2001-2005 qui nous ont fait palpiter comme bien peu de séries avaient su le faire auparavant.

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02 décembre 2006

The Host : le cinéma populaire coréen sort de l'onde

N'en déplaise aux rats de festivals, le cinéma coréen ne vaut pas que par les films d'Im Kwon-taek. Et c'est heureux. Car ce Théo Angelopoulos du matin (bien bien) calme n'a quand même pas grand chose pour intéresser le spectateur lambda qui sait qu'il n'a rien à attendre des critiques du Monde et de Télérama.

On l'aura compris, on ne parlera pas ici de remèdes à l'insomnie tels que Ivre de femmes et de peinture (dont l'académisme ferait passer les frères Taviani pour des avant-gardistes). Laissons donc l'élite autoproclamée cannoise se repaître de ce film qui a des zolies images et... des zolies images. Allons plutôt faire un tour du côté de la relève sud-coréenne, une génération de cinéastes qui a quelque chose à dire.

Il y a quelques années, on parlait beaucoup de Park Chan-wook. Mais il faut bien remarquer que depuis sa trilogie de la vengeance (Sympathy for Mister Vengeance, Old Boy, et Lady Vengeance), il s'est un peu égaré en route. À vouloir chasser à tout prix, le manichéisme, Park surenchérit dans le sordide, faisant perdre à ses films une bonne part de crédibilité. On est loin de son remarquable JSA (2000), ce simple et superbe drame qui se déroule à un poste-frontière entre les deux Corées.

Niveau crédibilité justement, il faut aujourd'hui plutôt se tourner vers le grand espoir national, Bong Joon-ho. Après deux films méconnus en occident, il écrit et réalise en 2003 Memories of Murder, l'histoire de deux flics que tout oppose qui vont devoir faire équipe pour traquer un tueur en série dans une petite ville de campagne. Raconté comme ça, on a l'impression d'avoir vu cette histoire vingt fois. Mais avec Bong, ne nous y trompons pas, l'originalité va vite poindre. Au final, ce film policier qui mêle comédie et tragédie constitue une véritable surprise. La moindre des choses était dès lors de garder un oeil sur ce cinéaste hors normes. Et on a bien fait. Cette année, sort en effet son cinquième opus : The Host.

Kézaco ? Une famille Tuyau de poële tient une boutique de snack dans une caravane sur les bords du fleuve Han, à Séoul. Par un bel après-midi, un monstre marin mutant géant surgit des flots et fait un massacre dans la masse des badauds venus prendre l'air sur le gazon. Le fils du gérant voit sa propre fille se faire happer par la bête qui l'ingère en deux temps trois mouvements. Toute la famille (le grand-père, le père, son frère et sa soeur) décident alors de se venger et se lancent à la recherche de la bête.

À la seule lecture de ces lignes, The Host a tout, mais alors vraiment tout, du film pop-corn pour adolescent décérébré.

Et la bande-annonce du film n'est guère de nature à nous détromper :


Mais... Mais derrière ce synopsis quelque peu affligeant, on retrouve la verve de Bong Joon-Ho. Car le bonhomme a du talent. Un sacré talent même. Non content de faire de son film une allégorie sur les prédateurs sexuels, le réalisateur scénariste se paie le luxe de flinguer en plein vol l'armée américaine, quasi-force d'occupation de la Corée du Sud. Il y a du Starship Troopers dans l'air. N'ayons pas peur de la comparaison.

Et c'est sans compter sur cette faculté prodigieuse de Bong pour mêler les genres en un tout particulièrement original. Avec The Host, il atteint un sommet en ce domaine : thriller scientifique, brûlot politique, épouvante, burlesque et absurde se côtoient au sein d'un magnifique drame humain au coeur d'une famille de parfaits anti-héros.

Le meilleur film de monstre depuis Alien nous dit la critique. C'est vrai. Sauf que The Host n'est pas un film de monstre. Et la dernière scène nous le prouve définitivement. D'une simplicité désarmante, elle est certainement la plus belle et la plus poignante du film.

Grand triomphateur des Korean Film Awards de 2006, colossal succès public dans son pays d'origine, The Host a tout pour montrer à ceux qui ne le savent pas encore en occident que le cinéma populaire asiatique vaut souvent mieux que la condescendance de quelques critiques surranés.

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