36 : cri des orfraies !
Il y a quelques temps, l'un de mes collègues m'a fait part d'une série de films policiers français qu'il aimerait découvrir. L'un des titres évoqués a particulièrement retenu mon attention : 36, quai des Orfèvres de Olivier Marchal. La réputation de ce film a apparemment traversé l'Atlantique et il jouit ici d'un bouche-à-oreille très favorable.
Ce mystère insondable nous renvoie aux années 1960, quand les films de Jean-Pierre Melville, boudés par le grand public en France, faisaient un tabac auprès des cinéphiles nord-américains.
Il est vrai que, des films comme ceux de Melville, ils n'en avaient jamais vu. Idem pour les machins de Godard qui, venant de France et étant totalement hermétiques, devaient forcément recéler des trésors insoupçonnés.
Il est en effet intéressant de signaler que L'Armée des ombres, pourtant son plus (seul ?) grand film n'a guère marqué les esprits outre-Atlantique, où les cinéphiles autoproclamés lui préfèrent très nettement le reste d'une filmographie qui laisse pantois.
Revoir aujourd'hui Le Samouraï, c'est l'assurance d'une bonne pinte de rire : la drôlissime poursuite dans les couloirs du métro et les rues de Paris, le canari (système d'alarme avant-gardiste),… Mais dès que les zygomatiques se relâchent, Melville nous offre un remède sans faille contre l'insomnie.
Le cercle rouge demeure un modèle de ce qu'il ne faut pas faire au cinéma et devrait être à ce titre enseigné aux apprentis scénaristes et réalisateurs. À moins que lesdits apprentis ne décident de faire leur trou dans le créneau assez restreint de la comédie policière débridée de second degré.
Eh bien, c'est apparemment dans cette niche qu'a souhaité s'engouffrer Olivier Marchal avec sa deuxième réalisation, 36, quai des Orfèvres.
L'ambiance du film est en effet très similaire à celle des foutaises melvillesques. Quoique Marchal dépasse le maître à bien des égards : son film est bien interprété, jouit d'un excellent montage, d'une direction artistique remarquable et d'une réalisation efficace.
Mais alors, quel est le problème avec 36 ? Le scénario, p'tit gars, le scénario. Comme chez Melville, c'est bourré, bourré, bourré d'idioties.
On passera sur le côté irréaliste du film de Marchal. Après tout, on se fiche que l'histoire qui aurait inspiré le scénario se soit déroulée il y a vingt ans et qu'elle ait été transposée de nos jours. Parce que, évidemment, la police à l'époque différait énormément de celle d'aujourd'hui.
Sur ce point, après tout, le film est une fiction. Et un film irréaliste peut toutefois s'avérer une réussite, dès lors qu'il est crédible. Donnons donc sa chance au produit. Là encore, ça passe.
Mais là où ça casse, c'est au niveau de la structure du film et du monceau d'incohérences et d'invraisemblances qu'il charrie.
Attention SPOILERS – Si vous avez envie de découvrir par vous-même ce monument du cinéma français porteninouak, passez votre chemin.
=====================> <==========================
1- Erreur de structuration : le flash forward qui tue:
Le film commence par un flash forward (le contraire du flash back). À quoi ça sert donc, ce machin-là ? Eh bien, l'une des règles de base en écriture dramatique et en réalisation, c'est de commencer un film par une image qui marque le spectateur (que ce soit esthétiquement ou thématiquement). Sur le plan thématique, cela signifie que le scénario doit mettre en image dès les premières secondes le thème, la problématique du film à venir. C'est un exercice difficile. Car généralement, le film débute piano pour finir fortissimo. Alors commencer forte, ce n'est pas évident.
Incapables d'ouvrir leur film de la sorte, de nombreux scénaristes et metteurs en scène trichent : ils utilisent le flash forward: le film commence à l'instant t+1, à un moment avancé de l'histoire où, dramatiquement, il se passe quelque chose de fort. À la fin de cette séquence à t+1, on se retrouve immanquablement avec un flash back à l'instant t. Puis, 1/2 heure ou 1 heure plus tard, on en arrive au fameux instant t+1. Et bien souvent, le metteur en scène nous rebalance la même séquence d'ouverture, qu'on doit donc se farcir une deuxième fois.
La règle, c'est donc qu'un film qui commence par un flash forward ne laisse rien augurer de bon car c'est le signe avant-coureur d'une mauvaise structure du script. Vous vous souvenez de Matrix Reloaded ? De Mission: Impossible-III ? Voilà de bons (ou plutôt mauvais) exemples.
L'exception ? Sunset Boulevard. Mais n'est pas Billy Wilder qui veut.
Et certainement pas Olivier Marchal, qui ouvre son film avec les images-choc de Daniel Auteuil, pleurant dans sa cellule de prison. Ça frappe le spectateur d'emblée, mais la pratique fait long feu, car elle se révèle dépourvue de la moindre utilité dramatique. Elle est clairement là pour faire joli et la redondance plus tard dans le film n'en sera que plus insupportable.
2- Incohérence des personnages:
Les principaux protagonistes nous sont présentés clairement d'une façon, mais agissent de manière diamétralement opposée. Sans vouloir citer tous les cas (mais l'exhaustivité est-elle seulement possible en la matière pour ce film ?), je me limiterai à deux d'entre eux :
a) Daniel Auteuil, chef de la BRI (Brigade de recherche et d'intervention) et Gérard Depardieu, chef de la BRB (Brigade de répression du banditisme) se tirent la bourre pour arrêter un gang. Celui qui réussira sera nommé Directeur de la Police judiciaire (PJ) à la Préfecture de police (PP), un poste de haut-fonctionnaire.
Or, les deux commissaires, ce sont des cow-boys. Des vrais, genre l'inspecteur Harry à côté, c'est Oui-Oui. Mais, durant tout le film, nos deux super-flics de terrain vont se livrer une bataille rangée dans le but de devenir des ronds-de-cuir super mondains !
Buuuuuuuuuuuuuuuuuzzzzzzzzzzzzzzzzz! Incohérence ! C'est pas grave, c'est juste la pierre angulaire du film !
b) Le chef de la BRI (Auteuil) aime vraiment beaucoup sa femme et sa fille. Un soir, il conduit un indic en permission de sortie à un endroit (il ne sait même pas pourquoi…). Le tonton sort de la voiture et flingue trois personnes dans un véhicule en stationnement à côté. Et voilà-t'y pas notre Daniel Auteuil devant un dilemme colossal genre que Corneille, à côté, c'est Barbara Cartland : en gros, Daniel:
A) si tu veux les infos pour coincer le gang et devenir Directeur PJ-PP, tu couvres l'indic. En ne disant rien à ta hiérarchie, tu prends le risque de te retrouver en taule pour 30 ans, loin de ta famille ;
B) si tu préfères ta famille, tu prends l'indic par la peau du cou et tu le traînes au commissariat du coin pour tout expliquer.
Eh ben keskifé Daniel Auteuil ? Il choisit la réponse A) !
« C'est votre dernier mot, Daniel ?
– C'est mon dernier mot, Jean-Pierre.»
Buuuuuuuuuuuzzzzzzzzzzzzzzz ! Mauvais choix ! Incohérence ! C'est pas grave, c'est seulement le principal ressort dramatique du film !!!
2- Grosses invraisemblances des situations :
- Lors d'une intervention de la BRI pour arrêter un gangster ancien mercenaire (bref un enfant de choeur taillé comme un bâton de sucette, vous l'imaginez) : il sont quatre flics, y en a pas un qui couvre les fenêtres. Dommage, c'est par là que le mec saute, en entraînant avec lui le chef de la BRI. Ah ben oui, j'oubliais : le chef de la brigade mène l'interpellation en personne. Grand seigneur, il laisse le papa gangster faire la bise à sa fifille, ce qui donne au malfrat tout loisir pour choper ledit commissaire et lui faire danser une valse en apesanteur depuis le deuxième étage !
- Le commissaire chef de la BRB (Depardieu, donc) fait volontairement capoté (et bien capoté !) une opération contre des gangsters de haut vol. Il déclenche ainsi une fusillade, causant des morts et des blessés chez les flics. À l'IGS (la police des polices de la PP), aucun flic n'ouvre son plomb pour le dénoncer, ni à la BRB, ni même à la BRI, service concurrent ; sauf le chef de la BRI (Auteuil), dont le témoignage est jugé non valable parce qu'il a été entre-temps mis en examen dans une autre affaire ! On rêve !
- Le même commissaire de la BRI, mis en examen, est finalement placé en détention préventive. Il est sorti provisoirement de taule pour son audition par le juge d'instruction. Auteuil en profite pour prendre en otage deux gendarmes et le juge pour qu'ils le laissent voir sa femme. Notre brave commissaire attache ses 3 otages au radiateur (non baillonnés!), va dire un petit bonjour à sa femme dans les couloirs du Palais de Justice et lui déclame : « T'inquiète pas, ils peuvent pas me garder longtemps, ils ont rien contre moi».
Non, ben non, tu penses ! Séquestration d'un juge et de deux gendarmes, c'est sûr, il va sortir de taule tout de suite ! En plus, le juge, c'est un juge rouge (bien anti-flic) ! Et ben non, v'la t'y pas mon Daniel Auteuil qui retourne dans le cabinet du juge, qui détache les trois fonctionnaires et qui se laisse reconduire docilement en prison !
- le chef de la BRB (Depardieu donc) est finalement nommé Directeur de la PJ parisienne. Je ne sais pas si vous vous imaginez, mais c'est pas un petit poste de m… Toujours est-il que notre tout frais Directeur PJ-PP mène personnellement une poursuite en bagnole et pousse les poursuivis dans le fossé. Il sort de la voiture, s'approche de l'épave. Tous ses subordonnés le voient achever par balle les deux passagers moribonds : le truand et la civile prise en otage ! Et bien sûr, pas un des flics présents ne va ouvrir son plomb à l'IGS. Allez, roulez, petits bolides...
Ah j'oubliais… la civile prise en otage, c'est la femme du chef de la BRI en taule ! Wouah ! Shakespeare, enfoncé !
- un lieutenant de police qui a participé à une opération cagoule contre un proxénète est reconnu huit ans plus tard, uniquement par le couteau qu'il a volé audit mac qu'ils ont tabassé. Alors vous devez penser que le couteau, bien sûr, ça doit être une pièce de collection, unique dans tout le système solaire… Sauf que c'est un modèle super-courant qu'on trouve en 50 exemplaires dans n'importe quelle armurerie de France et de Navarre !
- le gitan qui tabasse les prostituées, victime de ladite opération cagoule, huit ans après, sur un coup de chaud, il prépare et perpètre l'assassinat du Directeur de la PJ-PP. Déjà, incohérence du personnage : si le gitan prend un coup de chaud, il y va franco tout de suite, il ne planifie pas méthodiquement l'assassinat.
Mais en plus, il le flingue où, le super-flic ? Devant le 36, quai des Orfèvres, le soir d'une méga-réception de la police parisienne, alors qu'il y a 250 flics au m², et que Depardieu tient une arme à la main. Dis donc, le gitan, t'attendrais pas que le flic rengaine et qu'il s'éloigne seul jusqu'à sa voiture, non ? Ben non, des fois que ce soit trop simple !
======================><======================
J'arrête là, j'en ai encore des litres du même tonneau. On l'aura compris 36, Quai des Orfèvres mérite franchement le détour, ne serait-ce que pour halluciner devant la facilité avec laquelle Olivier Marchal a fait avaler des boas constrictors à la critique. Il est vrai que pour bon nombre d'entre eux, quand t'a dit Melville, t'as tout dit. Voilà au moins un point sur lequel on est d'accord !
36, Quai des Orfèvres est certes mal construit, bourré d'incohérences et d'invraisemblances. Mais c'est avant tout le film d'un ex-flic de la Brigade criminelle, aigri bien avant l'âge et qui profite de sa seconde carrière pour régler ses comptes. On aurait aimé que cette petite vengeance qui se mange très froide (vingt ans après !) fût tranchante. Malheureusement, elle n'est que contondante.
Ce mystère insondable nous renvoie aux années 1960, quand les films de Jean-Pierre Melville, boudés par le grand public en France, faisaient un tabac auprès des cinéphiles nord-américains.
Il est vrai que, des films comme ceux de Melville, ils n'en avaient jamais vu. Idem pour les machins de Godard qui, venant de France et étant totalement hermétiques, devaient forcément recéler des trésors insoupçonnés.
Il est en effet intéressant de signaler que L'Armée des ombres, pourtant son plus (seul ?) grand film n'a guère marqué les esprits outre-Atlantique, où les cinéphiles autoproclamés lui préfèrent très nettement le reste d'une filmographie qui laisse pantois.
Revoir aujourd'hui Le Samouraï, c'est l'assurance d'une bonne pinte de rire : la drôlissime poursuite dans les couloirs du métro et les rues de Paris, le canari (système d'alarme avant-gardiste),… Mais dès que les zygomatiques se relâchent, Melville nous offre un remède sans faille contre l'insomnie.
Le cercle rouge demeure un modèle de ce qu'il ne faut pas faire au cinéma et devrait être à ce titre enseigné aux apprentis scénaristes et réalisateurs. À moins que lesdits apprentis ne décident de faire leur trou dans le créneau assez restreint de la comédie policière débridée de second degré.
Eh bien, c'est apparemment dans cette niche qu'a souhaité s'engouffrer Olivier Marchal avec sa deuxième réalisation, 36, quai des Orfèvres.
L'ambiance du film est en effet très similaire à celle des foutaises melvillesques. Quoique Marchal dépasse le maître à bien des égards : son film est bien interprété, jouit d'un excellent montage, d'une direction artistique remarquable et d'une réalisation efficace.
Mais alors, quel est le problème avec 36 ? Le scénario, p'tit gars, le scénario. Comme chez Melville, c'est bourré, bourré, bourré d'idioties.
On passera sur le côté irréaliste du film de Marchal. Après tout, on se fiche que l'histoire qui aurait inspiré le scénario se soit déroulée il y a vingt ans et qu'elle ait été transposée de nos jours. Parce que, évidemment, la police à l'époque différait énormément de celle d'aujourd'hui.
Sur ce point, après tout, le film est une fiction. Et un film irréaliste peut toutefois s'avérer une réussite, dès lors qu'il est crédible. Donnons donc sa chance au produit. Là encore, ça passe.
Mais là où ça casse, c'est au niveau de la structure du film et du monceau d'incohérences et d'invraisemblances qu'il charrie.
Attention SPOILERS – Si vous avez envie de découvrir par vous-même ce monument du cinéma français porteninouak, passez votre chemin.
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1- Erreur de structuration : le flash forward qui tue:
Le film commence par un flash forward (le contraire du flash back). À quoi ça sert donc, ce machin-là ? Eh bien, l'une des règles de base en écriture dramatique et en réalisation, c'est de commencer un film par une image qui marque le spectateur (que ce soit esthétiquement ou thématiquement). Sur le plan thématique, cela signifie que le scénario doit mettre en image dès les premières secondes le thème, la problématique du film à venir. C'est un exercice difficile. Car généralement, le film débute piano pour finir fortissimo. Alors commencer forte, ce n'est pas évident.
Incapables d'ouvrir leur film de la sorte, de nombreux scénaristes et metteurs en scène trichent : ils utilisent le flash forward: le film commence à l'instant t+1, à un moment avancé de l'histoire où, dramatiquement, il se passe quelque chose de fort. À la fin de cette séquence à t+1, on se retrouve immanquablement avec un flash back à l'instant t. Puis, 1/2 heure ou 1 heure plus tard, on en arrive au fameux instant t+1. Et bien souvent, le metteur en scène nous rebalance la même séquence d'ouverture, qu'on doit donc se farcir une deuxième fois.
La règle, c'est donc qu'un film qui commence par un flash forward ne laisse rien augurer de bon car c'est le signe avant-coureur d'une mauvaise structure du script. Vous vous souvenez de Matrix Reloaded ? De Mission: Impossible-III ? Voilà de bons (ou plutôt mauvais) exemples.
L'exception ? Sunset Boulevard. Mais n'est pas Billy Wilder qui veut.
Et certainement pas Olivier Marchal, qui ouvre son film avec les images-choc de Daniel Auteuil, pleurant dans sa cellule de prison. Ça frappe le spectateur d'emblée, mais la pratique fait long feu, car elle se révèle dépourvue de la moindre utilité dramatique. Elle est clairement là pour faire joli et la redondance plus tard dans le film n'en sera que plus insupportable.
2- Incohérence des personnages:
Les principaux protagonistes nous sont présentés clairement d'une façon, mais agissent de manière diamétralement opposée. Sans vouloir citer tous les cas (mais l'exhaustivité est-elle seulement possible en la matière pour ce film ?), je me limiterai à deux d'entre eux :
a) Daniel Auteuil, chef de la BRI (Brigade de recherche et d'intervention) et Gérard Depardieu, chef de la BRB (Brigade de répression du banditisme) se tirent la bourre pour arrêter un gang. Celui qui réussira sera nommé Directeur de la Police judiciaire (PJ) à la Préfecture de police (PP), un poste de haut-fonctionnaire.
Or, les deux commissaires, ce sont des cow-boys. Des vrais, genre l'inspecteur Harry à côté, c'est Oui-Oui. Mais, durant tout le film, nos deux super-flics de terrain vont se livrer une bataille rangée dans le but de devenir des ronds-de-cuir super mondains !
Buuuuuuuuuuuuuuuuuzzzzzzzzzzzzzzzzz! Incohérence ! C'est pas grave, c'est juste la pierre angulaire du film !
b) Le chef de la BRI (Auteuil) aime vraiment beaucoup sa femme et sa fille. Un soir, il conduit un indic en permission de sortie à un endroit (il ne sait même pas pourquoi…). Le tonton sort de la voiture et flingue trois personnes dans un véhicule en stationnement à côté. Et voilà-t'y pas notre Daniel Auteuil devant un dilemme colossal genre que Corneille, à côté, c'est Barbara Cartland : en gros, Daniel:
A) si tu veux les infos pour coincer le gang et devenir Directeur PJ-PP, tu couvres l'indic. En ne disant rien à ta hiérarchie, tu prends le risque de te retrouver en taule pour 30 ans, loin de ta famille ;
B) si tu préfères ta famille, tu prends l'indic par la peau du cou et tu le traînes au commissariat du coin pour tout expliquer.
Eh ben keskifé Daniel Auteuil ? Il choisit la réponse A) !
« C'est votre dernier mot, Daniel ?
– C'est mon dernier mot, Jean-Pierre.»
Buuuuuuuuuuuzzzzzzzzzzzzzzz ! Mauvais choix ! Incohérence ! C'est pas grave, c'est seulement le principal ressort dramatique du film !!!
2- Grosses invraisemblances des situations :
- Lors d'une intervention de la BRI pour arrêter un gangster ancien mercenaire (bref un enfant de choeur taillé comme un bâton de sucette, vous l'imaginez) : il sont quatre flics, y en a pas un qui couvre les fenêtres. Dommage, c'est par là que le mec saute, en entraînant avec lui le chef de la BRI. Ah ben oui, j'oubliais : le chef de la brigade mène l'interpellation en personne. Grand seigneur, il laisse le papa gangster faire la bise à sa fifille, ce qui donne au malfrat tout loisir pour choper ledit commissaire et lui faire danser une valse en apesanteur depuis le deuxième étage !
- Le commissaire chef de la BRB (Depardieu, donc) fait volontairement capoté (et bien capoté !) une opération contre des gangsters de haut vol. Il déclenche ainsi une fusillade, causant des morts et des blessés chez les flics. À l'IGS (la police des polices de la PP), aucun flic n'ouvre son plomb pour le dénoncer, ni à la BRB, ni même à la BRI, service concurrent ; sauf le chef de la BRI (Auteuil), dont le témoignage est jugé non valable parce qu'il a été entre-temps mis en examen dans une autre affaire ! On rêve !
- Le même commissaire de la BRI, mis en examen, est finalement placé en détention préventive. Il est sorti provisoirement de taule pour son audition par le juge d'instruction. Auteuil en profite pour prendre en otage deux gendarmes et le juge pour qu'ils le laissent voir sa femme. Notre brave commissaire attache ses 3 otages au radiateur (non baillonnés!), va dire un petit bonjour à sa femme dans les couloirs du Palais de Justice et lui déclame : « T'inquiète pas, ils peuvent pas me garder longtemps, ils ont rien contre moi».
Non, ben non, tu penses ! Séquestration d'un juge et de deux gendarmes, c'est sûr, il va sortir de taule tout de suite ! En plus, le juge, c'est un juge rouge (bien anti-flic) ! Et ben non, v'la t'y pas mon Daniel Auteuil qui retourne dans le cabinet du juge, qui détache les trois fonctionnaires et qui se laisse reconduire docilement en prison !
- le chef de la BRB (Depardieu donc) est finalement nommé Directeur de la PJ parisienne. Je ne sais pas si vous vous imaginez, mais c'est pas un petit poste de m… Toujours est-il que notre tout frais Directeur PJ-PP mène personnellement une poursuite en bagnole et pousse les poursuivis dans le fossé. Il sort de la voiture, s'approche de l'épave. Tous ses subordonnés le voient achever par balle les deux passagers moribonds : le truand et la civile prise en otage ! Et bien sûr, pas un des flics présents ne va ouvrir son plomb à l'IGS. Allez, roulez, petits bolides...
Ah j'oubliais… la civile prise en otage, c'est la femme du chef de la BRI en taule ! Wouah ! Shakespeare, enfoncé !
- un lieutenant de police qui a participé à une opération cagoule contre un proxénète est reconnu huit ans plus tard, uniquement par le couteau qu'il a volé audit mac qu'ils ont tabassé. Alors vous devez penser que le couteau, bien sûr, ça doit être une pièce de collection, unique dans tout le système solaire… Sauf que c'est un modèle super-courant qu'on trouve en 50 exemplaires dans n'importe quelle armurerie de France et de Navarre !
- le gitan qui tabasse les prostituées, victime de ladite opération cagoule, huit ans après, sur un coup de chaud, il prépare et perpètre l'assassinat du Directeur de la PJ-PP. Déjà, incohérence du personnage : si le gitan prend un coup de chaud, il y va franco tout de suite, il ne planifie pas méthodiquement l'assassinat.
Mais en plus, il le flingue où, le super-flic ? Devant le 36, quai des Orfèvres, le soir d'une méga-réception de la police parisienne, alors qu'il y a 250 flics au m², et que Depardieu tient une arme à la main. Dis donc, le gitan, t'attendrais pas que le flic rengaine et qu'il s'éloigne seul jusqu'à sa voiture, non ? Ben non, des fois que ce soit trop simple !
======================><======================
J'arrête là, j'en ai encore des litres du même tonneau. On l'aura compris 36, Quai des Orfèvres mérite franchement le détour, ne serait-ce que pour halluciner devant la facilité avec laquelle Olivier Marchal a fait avaler des boas constrictors à la critique. Il est vrai que pour bon nombre d'entre eux, quand t'a dit Melville, t'as tout dit. Voilà au moins un point sur lequel on est d'accord !
36, Quai des Orfèvres est certes mal construit, bourré d'incohérences et d'invraisemblances. Mais c'est avant tout le film d'un ex-flic de la Brigade criminelle, aigri bien avant l'âge et qui profite de sa seconde carrière pour régler ses comptes. On aurait aimé que cette petite vengeance qui se mange très froide (vingt ans après !) fût tranchante. Malheureusement, elle n'est que contondante.
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